Préhistoire du cinéma et trucages

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ZOOTROPE

Les toutes premières tentatives de réaliser des images en mouvement remontent à l’année 1832 avec le Phénakistiscope du Belge Joseph Antoine Ferdinand Plateau (1801-1883) et le Stroboscope de l’Autrichien Simon von Stampfer : il s’agissait d’un simple disque tournant autour d’un axe, et dans lequel ils avaient aménagé des fentes. Sur le disque étaient peintes les phases d’un objet en mouvement. Et en observant dans un miroir le disque en rotation, on voyait le mouvement de l’objet en continu. Selon le même principe, deux ans plus tard, l’Anglais William George Horner (1786-1837) met au point le “Tambour magique” ou Zootrope (appelé initialement Dedaleum), représenté sur la photo ci-dessus : les fentes sont découpées dans un tambour rotatif et les images, dessinées et amovibles, sont placées à l’intérieur du tambour. Le tambour tournait sur son axe vertical, et en regardant à travers les fentes, on obtenait l’illusion du mouvement. C’est cet appareil qu’évoque le rotor de la fête foraine utilisé par François Truffaut dans Les Quatre cents coups (voir Séquence).

En 1877, le Français Emile Reynaud (1844-1918) améliore le Zootrope avec son Praxinoscope qui utilise un tambour à miroirs permettant de supprimer les intervalles sombres entre chaque image, et qui autorise l’utilisation par réflexion d’un décor de fond fixe. Puis, en 1888, Louis Aimé Auguste Le Prince (1842-1890) qui travaille à Leipzig, Paris, Londres, New York et Chigago, dépose le premier brevet d’un équipement séparant la prise de vues et la projection ; puis utilise dès 1889 un film de Celluloïd perforé et un commutateur en croix de Malte. Mais en 1890, il disparaît mystérieusement dans un train entre Dijon et Paris.
De nombreux inventeurs vont ensuite apporter des éléments techniques du futur cinématographe : l’Anglais William Friese-Greene, les Américains Edison (qui met au point la pellicule à 4 perforations que nous connaissons aujourd’hui, et le Kinétoscope, en 1893) et Le Roy (qui annonça dans un bulletin scientifique, huit jours avant la première projectiondes Frères Lumière, l’invention du cinématographe). Mais il revient aux Frères Lumière, l’invention du “spectacle cinématographique”.

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Le premier trucage de l’histoire du cinéma fut l’œuvre de Georges Méliès. Et ce fut un accident.

Il tournait place de l’Opéra, à Paris, un petit film, qui durait à l’époque environ une minute. Le moteur électrique n’existant pas encore, il tournait une petite manivelle pour faire avancer la pellicule dans la caméra, lorsque le mécanisme s’enraya. Il répara le mécanisme, et recommença à tourner la manivelle pour finir la bande. Lorsqu’il développa la pellicule, et qu’il la projeta l’autobus s’était transformé en corbillard ! En effet, avant l’incident, sur la dernière image enregistrée il y avait un autobus dans le champ, devant l’objectif de la caméra. Et lorsqu’il reprit son tournage, au même endroit, se trouvait un corbillard.

À la projection, l’illusion était saisissante : l’autobus s’était transformé en corbillard ! C’était le premier trucage, bien involontaire, de l’histoire du cinéma, un trucage qui n’est pas sans rappeler celui qu’utilise le maître des masques, pour passer d’un masque à l’autre.

La relation ne s’arrête pas là. Car Georges Méliès qui est né à Paris, en 1861, fut prestidigitateur avant d’être cinéaste. Il apprit ce métier à Londres, puis racheta en 1888 le théâtre Robert-Houdin (du nom du grand prestidigitateur considéré comme le père de la magie moderne et décédé en 1871), situé boulevard des Italiens, à Paris, pour y présenter des spectacles de magie et de manipulation. Il y mêla l’art de la prestidigitation et la projection du cinématographe naissant. C’est ainsi qu’il adapta certains tours fondés sur l’illusion visuelle, connus et pratiqués par les seuls “ magiciens ”, pour créer des trucages cinématographiques nouveaux, comme les effets d’escamotage ou de taille relative des objets les uns par rapport aux autres. Ses inventions sont innombrables, et il est aujourd’hui considéré comme le père du cinéma fantastique. Surtout, cet homme qui, le premier, fit le lien entre le spectacle traditionnel de la foire et le nouveau spectacle de foire que fut le cinéma, fut un grand poète qu’Apollinaire salua dans ces termes : “Monsieur Méliès et moi faisons le même métier : nous enchantons la matière vulgaire”. Il mourut hélas ! dans la misère, en 1938.


Analyse et montage : Cécile Paturel