Tex Avery Follies

États-Unis (1964)

Genre : Comédie

Écriture cinématographique : Film d'animation

Archives CAC, Collège au cinéma 2008-2009

Synopsis

  • Bébé Taxi  ou Tu seras un taxi mon fils (One Cab’s Family)

La naissance de Bébé Taxi rend fous de bonheur maman et papa Taxi . Puis bébé taxi grandit et il affirme sa volonté d’être voiture de course…

  • Coqs de village ou Plouc à bec (The Hick Chick)

Lem, un coq de campagne, est amoureux de Daisy qu’il demande en mariage. Mais Charles, un coq distingué, survient et la séduit. Après une lutte acharnée entre les deux coqs, Charles la conduit à la ville…

  • George et Junior vagabonds ou Chasseurs de chiens (Hound Hunters)

George et Junior ne veulent plus être vagabonds et les voilà agents de fourrière. Ils traquent les chiens errants, du moins le seul qui n’a pas pu s’enfuir…

  • Le Lion flagada ou Le Lion frapadingue (Slap Happy Lion)

Le lion du Jingling Bros Circus est devenu infirme. Une souris nous raconte l’histoire de ce roi de la jungle qui terrorisait tous les animaux jusqu’au jour où il tomba nez à nez avec une souris…

  • Tom se déguise ou Le Chat postiche (The Counterfeit Cat)

Le chat Tom, plein d’astuces, aimerait bien manger le canari jalousement gardé par le molosse Spark…

  • Méfie-toi fillette ou Le Petit Chaperon rural (Little Rural Riding Hood)

Le loup de la campagne, déguisé en grand-mère, attend le petit chaperon rouge avec impatience pour la dévorer de baisers. Mais quand elle est prête, il reçoit un télégramme de son cousin de la ville, agrémenté de la photo d’une pin-up…

  • Maestro Magique ou Tom et le magicien (Magical Maestro)

Poochini répète Le Barbier de Séville. Il reçoit la visite de Misto, un magicien, qui lui demande de l’aider. Poochini refuse. Misto décide de saboter le spectacle…

  • Mise en boîte (Cellbound)

Spike, condamné à perpétuité à la prison de Sing Song, creuse un tunnel à la petite cuillère. Il réussit à s’échapper et grimpe dans un train et se cache dans un poste de télévision, début de son calvaire…

  • Le Petit Chaperon rouge (Red Hot Riding Hood)

Le petit chaperon rouge, mère-grand et le méchant loup sont fatigués d’être les éternels protagonistes de la même histoire vieillotte. On leur crée un nouveau scénario qui se passe à Hollywood. Le loup s’y rend dans une boîte de nuit où chante le petit chaperon rouge, transformé en voluptueuse pin-up…

Générique

Le programme :
Titre original
 : Tex Avery Follies
Réalisation : Tex Avery
Production : Lew’s Incorporated (MGM)
Producteur : Fred Quimby
Distribution : Les Grands Films Classiques
Film : 35 mm, Couleurs
Format : 1 x 1,33
Durée : 1h 00’ 33” (durée DVD)

Les films :
Bébé Taxi
Titre original
 : One Cab’s Family
Animation : Grant Simmons, Michael Lah, Walter Clinton
Scénario : Rich Hogan, Roy Williams
Musique : Scott Bradley
Année : 1952
Sortie USA : 15 mai 1952
Durée : 7’ 40” (DVD)

Coqs de village (ou Plouc à bec)
Titre original : The Hick Chick
Animation : Preston Blair, Walt Clinton, Ed Love, Ray Abrams
Sujet : Heck Allen
Musique : Scott Bradley
Année : 1946
Sortie USA : 15 juin 1946
Durée : 6’ 51” (DVD)
(Les voix de Charles et Daisy sont imitées de Charles Boyer et Katharine Hepburn).

George et Junior vagabonds ou  Chasseurs de chiens
Titre original
 : Hound Hunters
Animation : Preston Blair, Walt Clinton, Ed Love, Ray Abrams
Scénario : Heck Allen
Musique : Scott Bradley
Voix de Junior : Tex Avery
Année : 1947
Sortie USA : 12 avril 1947
Durée : 6’ 57” (DVD)

Le Lion Flagada
Titre origina
l : Slap Happy Lion
Production : Lew’s Incorporated (A MGM Tom and Jerry Cartoon)
Animation : Ray Abrams, Robert Bentley, Walter Clinton
Scénario : Heck Allen
Musique : Scott Bradley
Année : 1947
Sortie USA : 20 septembre 1947
Durée : 7’ 07” (DVD)

Tom se déguise
Titre original 
: The Counterfeit Cat
Animation : Michael Lah, Grant Simmons, Walter Clinton
Scénario : Rich Hogan, Jack Cosgriff
Musique : Scott Bradley
Année : 1949
Sortie USA : 24 décembre 1949
Durée : 6’ 47” (DVD)

Méfie-toi fillette
Titre
original : Little Rural Riding Hood
Animation : Grant Simmons, Walter Clinton, Bob Canon, Michael Lah
Scénario : Rich Hogan, Jack Cosgriff
Musique : Scott Bradley
Année : 1949
Sortie USA : 17 septembre 1949
Durée : 6’02” (DVD)

Magical Maestro (Tom et le Magicien ou Le Chef d’orchestre illusionniste ou Maestro magique)
Titre original : Magical Maestro
Animation : Grant Simmons, Michael Lah, Walter Clinton
Sujet : Rich Hogan
Dir. Musicale : Scott Bradley
Année : 1952
Sortie USA  : 9 février 1952
Durée : 6’ 14” (DVD)

Mise en boîte (ou La P’tite évasion)
Titre original : Cellbound
Réalisation : Tex Avery et Michael Lah
Animation : Kenneth Muse, Ed Barge, Irving Space, Michael Lah
Scénario : Heck Allen
Layout : Ed Benedict
Fonds : Vera Ohman
Musique : Scott Bradley
Année : 1955
Durée : 6’10” (DVD)

Le Petit chaperon rouge ou Le Petit chaperon rouge chauffé à blanc)
Titre original : Red Hot Riding Hood
Animation : Preston Blair
Musique : Scott Bradley
Année : 1943
Sortie USA : 8 mai 1943
Extraits de films : The Mask (Le Masque), de William D. Russell (1994)
et Freeway (Freeway), de Matthew Bright (1996).
Durée : 6’ 46” (DVD)

Autour du film

  • Le comique de transgression

Si le splastick, film comique par excellence, est une perversion des codes établis, c’est dans les dessins animés narratifs de la poursuite amoureuse que Tex Avery a le mieux exprimé son principe de transgression de la morale puritaine de l’Amérique des années 40.

Le Petit Chaperon rouge (Red Hot Riding Hood) est une relecture du conte populaire LePetit Chaperon rouge. Fait inhabituel, sur un fond de nature idyllique et une musique enfantine ou tragique, les personnages se présentent eux-mêmes. À l’apparition du loup, tout bascule et l’on assiste à une rébellion généralisée des personnages contre le scénariste. Cette seconde distorsion se matérialise par un nouveau générique. Le nouveau dessin animé commence. Un scénario bis, à l’opposé de l’esthétique de la nature et de la mièvrerie du mythe de l’enfance pure et innocente si chère à Disney, instaure, au contraire, une poursuite où la sexualité s’affirme comme moteur de l’histoire.

Lorsqu’en 1949 l’animateur reprend ce thème dans Méfie-toi fillette (Little Rural Riding Hood), il en offre au public une nouvelle interprétation qui est à la fois une distorsion du Rat des villes et du rat des champs (Fables de La Fontaine, Livre I, Fable 9, 1668) et une subversion des codes qu’il a lui-même établis.

Dans Coqs de village, Lem est le premier à exprimer le respect des institutions puisque, après une invitation à danser, il demande la main de Daisy Beta. Mais à peine ébauchée, la respectabilité conjugale est détruite avec l’arrivée de Charles, le proxénète.

  • Le comique d’ « interréalité »

Bébé taxi est un essai d’anthropomorphisme. Tex Avery, génie du décalage entre la norme et l’anomalie, nous promène tout au long du dessin animé entre l’énoncé et l’énonciation, créant ainsi une véritable caricature de la famille américaine de l’époque, sclérosée dans des comportements mécaniques. Chaque rupture est source d’effets comiques. Le père découvrant une dentition humaine annonce dans un large sourire l’éclosion de la première dent de Bébé : une bougie ; la carrosserie rouge du bébé n’est qu’un vêtement à changer ; au moment le plus poignant le père essuie ses larmes avec ses essuie-glaces. Face au caractère sacré des valeurs familiales, Bébé n’a plus qu’à composer et nous révéler dans un clin d’œil sa participation à l’évolution inexorable des mœurs. Mise en boîte joue sur le même ressort métaphorique à partir de l’espace.

  • Le comique de destruction

Le déni de l’anatomie se vérifie dans les déformations invraisemblables que subissent les personnages. Le bras du loup (Méfie-toi fillette) ou celui de Tom (Tom se déguise) s’allonge démesurément afin de s’approprier l’objet de leur convoitise. Totalement happé par l’émission d’air nécessaire à son rugissement le lion s’avale lui-même ou se retrouve chauve. Spike (Tom se déguise)  s’arrête en pleine prise d’élan, le bras plié en arrière défiant toutes les lois de l’élasticité articulaire.  L’explosion d’une cartouche carbonise la tête de George dans George et Junior vagabonds. Les baisers induisent l’hypertrophie des lèvres et un bruit incongru de ventouse arrachée, des dents de crocodile poussent au bec des canaris haineux (Tom se déguise) et au museau des loups libidineux ; la mâchoire de Spike (Mise en boîte) se décroche littéralement et tombe dans un bruit d’enclume. Le loup se consume littéralement d’amour, fumant d’une seule bouffée sa cigarette et son museau. Quant aux yeux, ils s’écarquillent et se dilatent au point d’envahir l’écran, les pupilles se détachent et se rapprochent de l’objet du désir comme pour le dévorer…

Le déni des lois physiques semble accepté par tous les personnages. Piquée au derrière par le loup, la grand-mère nymphomane s’envole pour, dirait-on, un voyage interplanétaire, mais une fraction de seconde plus tard on frappe à la porte, c’est elle, qui défie toutes les lois de la gravité. De nombreux autres personnages prennent leur élan ou, au contraire, s’arrêtent brusquement, en lévitation, comme subjugués par une idée.

Le déni d’identité est marqué par les déguisements. Tom se déguise en chien, George prend l’allure de la girl... Grâce à ses métamorphoses, le Maestro est aussi bien homme que femme ou enfant, et multiracial. Il semble que l’identité a la capacité de se diluer, révélant toute l’ambiguïté de l’individu et de ses instincts.

Le déni de l’espace et du temps est flagrant par exemple quand le kangourou du Lion flagada, plonge dans sa poche. Il disparaît dans un aphorisme à la Alphonse Allais, emportant avec lui temps et espace.

– Les sons, graphismes et apartés viennent ponctuer la destruction.

Le plus souvent les bruitages issus du quotidien accentuent la « réalité » de la situation comme les trompettes qui annoncent l’entrée de la girl en scène. Le décalage est plus marqué quand les dents se brisent dans un bruit de vaisselle cassée ou qu’une main mordue bat au rythme des tambours…

  • Clins d’œil au cinéma

Une étrange ressemblance physique fait de George et Junior les petits frères de Laurel et Hardy, le maigre et le gros, même si leurs relations sont un peu biaisées. La fuite de Daisy et Charles en voiture, sous la pleine lune, filmée en gros plan, est le stéréotype de la scène obligée d’un film sentimental et romantique.  Tom cligne des yeux à la manière de Buster Keaton. Au début de George et Junior vagabonds, George porte un galurin qui fait penser à celui de Charlot. La séquence du chiot et des saucisses évoque Une vie de chien (Chaplin-1918). Ainsi, par ces interférences dans le récit, Tex Avery emploie le métadiscours dans son œuvre bien avant l’heure de la modernité revendiquée.

Vidéos

Tex Avery follies

Catégorie :

Un extrait de Méfie-toi fillette (Little Rural Riding Hood), situé 2’54” après le début du cartoon, jusque 4’59”, ou 38’37” après le début du programme jusque 40’42”, soit une durée de 2’05”).

Abandonnant son Petit Chaperon Rouge rural prête à  céder à  ses avances pressantes, le Loup des champs est venu à  la ville sur proposition de son cousin afin de rencontrer une vraie « Â pin-up « …

Avec une certaine solennité, le Loup des villes tient par la main le Loup des champs pour entrer dans le temple du spectacle et des désirs que son cousin bave d’envie d’assouvir. à€ l’affectation du premier, poitrine bombée à  l’excès, fleur à  la boutonnière, haut-de-forme et canne à  la main, les yeux clos, s’oppose l’agitation du second, regards tous azimuts, tête tournant sur elle-même à  plus de 180°, haut-de-forme sautant sur le crâne, corps bondissant en apesanteur, remarques vulgaires à  la bouche. Seul le cartoon peut faire accepter une telle représentation, réaliste dans le reflet de la psychologie des deux cousins mais totalement fantaisiste dans la représentation, en particulier la démarche animale du loup des champs, à  quatre pattes.

La séquence progresse d’abord par fondu, nous entraînant en douceur dans le ce lieu de perdition. à€ table se poursuit l’opposition entre la dignité du loup des villes et la vulgarité du rural, incapable de dominer son langage et ses gestes que renforce l’irréalisme du cartoon : sauts sur la chaise, équilibre sur deux mains au bord de la table, les jambes nouées maintenant les pieds en l’air.

Dans la représentation de la scène de spectacle, Tex Avery joue pleinement sur la représentation réaliste convenue, respectant proportions, distances, directions de regard. Pourtant, l’angle de prise de vues, très bas, rappelle de façon totalement invraisemblable le point de vue « Â mal élevé  » du cousin toujours quadrupède !

Le rideau, le rond de lumière créent une attente du spectateur répondant à  celle du Loup des champs (renforcée par un allongement de la perspective naturelle puis un rapide travelling avant), et le raccord cut sur l’ouverture du rideau, accomplissant les désirs conjoints du Loup des champs et du spectateur.

Ce jeu du regard et du désir se poursuit tout au long de la séquence avec une alternance entre ce qui se passe dans la salle, centré sur le regard concupiscent du loup rural, et la pin-up dansant et chantant sur scène avec des gestes de plus en plus aguicheurs.

C’est en même temps un jeu entre l’humanité et l’animalité. On notera que l’objet qu’offre le Loup des villes à  son cousin campagnard a toutes les caractéristiques humaines (rondeur des seins, des cuisses, volume de la chevelure, finesse des attaches), comme si seul un tel objet pouvait satisfaire son appétit bestial de façon civilisée (et civilisatrice). à€ l’opposé, on se souvient du pauvre Chaperon rural délaissé, au physique moins sexy, affublée d’une dentition de lapin…

Progressivement s’introduit visuellement le thème de l’identité entre les deux loups, entre celui qui répond à  ses instincts, ses pulsions, et celui qui les bride. « Â Visuellement « , dans la mesure où Tex Avery utilise des éléments purement visuels renvoyant à  des transformations psychologiques. La plus connue et qui intervient ici en premier consiste en ces yeux qui sortent réellement des orbites du Loup rural à  la vue de la danseuse, comme pour se précipiter vers elle et la toucher (pas seulement du regard !). Il est difficile d’imaginer une illustration plus littérale et plus juste de la célèbre « Â pulsion scopique  » chère à  Freud et Lacan. (Plan 9 de la séquence).

Tentant de réfréner l’agitation de son cousin, le Loup urbain ressent à  l’évidence une gêne devant ces globes occulaires qui n’en sont plus et se dressent ainsi sans pudeur.

Lorsque le Loup rural se met à  siffler vulgairement, le cousin de la ville tente, par le moyen physique le plus simple d’arrêter ce sifflement comme il le ferait d’un simple tuyau, à  quoi est ainsi réduit le mâle surexcité. Mais les voici tous deux réduits à  une tuyauterie – honte pour celui qui se veut au-dessus du vulgaire –, par un système de vases communicants que seul le cartoon peut faire admettre, rire aidant : le souffle traverse les corps, ressortant par les lèvres du loup-gentleman.

Chaque tentative de ce dernier pour cacher les manifestations du désir incontrà´lé de son cousin se heurtent à  un mouvement mécanique qui fait ressurgir ce qui jaillit hors du corps animal du paysan qu’il juge si mal dégrossi : tête sortant du plastron de la chemise, museau consumé par le feu (du désir ?), mains jaillissant des oreilles… Surtout le corps du rural se mêle de plus en plus à  celui de l’urbain, sa tête jaillissant une nouvelle fois, mais de la chemise du civilisé ! (Plan 19).

Dans un dernier élan, avec un dédain de plus en plus marqué, le Loup des villes tente d’arrêter, du bout des doigts, mais avec un maillet improbable fruit de ses propres instincts (meurtriers ?) refoulés, la course de tout le corps du cousin indigne. En réussissant à  régler physiquement et non par les moyens de la civilisation (la persuasion, la parole…) la situation, le représentant du monde supérieur ne s’est-il pas abaissé, révélant son manque de maîtrise ? S’il rapatrie son cousin transformé en brouette, cela n’ouvre-t-il pas sur le retournement de situation qui va clore bientà´t le film, égalisant les deux cousins devant la puissance du désir et du monde physique ? Ce triomphe du physique, Tex Avery le fait sentir et comprendre merveilleusement par les moyens du cartoon, les moins matériels, réalistes et physiques qui soient !

Pistes de travail

  • Un monde de chasseurs !À partir de George et Junior vagabonds, montrer que la plupart des films de ce programme sont construits sur une chasse (Tom se déguise, Méfie-toi fillette) qui rappelle le principe de la classique course-poursuite du cinéma burlesque (Chaplin, Keaton…). Rarement absente – Coqs de village reste du domaine de la chasse amoureuse et économique, Magical Maestro joue sur un autre registre –, elle peut constituer la totalité ou une partie du cartoon (Bébé Taxi). Montrer comment, également, cette course-poursuite peut se transformer simplement en course contre le temps (Tom se déguise, Mise en boîte)

    Les héros de Tex Avery reprennent sans cesse leur course derrière le même gibier ou des proies successives. Un travail spécifique peut dégager la structure répétitive des films (Magical Maestro, Tom se déguise, George et Junior vagabonds, Mise en boîte…). On peut ensuite étudier comment la répétition, associée à un renouvellement constant et inattendu, comme à un ou plusieurs retournements de situation, peut produire le rire : mécanique des gestes répétés, surprise des variations inattendues, détournement de l’attente du spectateur…

  • Le comique « nonsensique » de Tex AveryComparer le comique de Tex Avery avec ce que les élèves peuvent connaître du burlesque, qu’importe la qualité : de Chaplin, Keaton, Laurel et Hardy, Tati, les Monty Python, a Taxi ou  Les Visiteurs

    Faire comparer également ce comique avec ce qu’ils voient à la télévision (enquête) : logique, réalisme ou fantaisie, méchanceté ou gentillesse des personnages, violence ou dureté des situations…

    Montrer comment Tex Avery s’éloigne plus que bien d’autres de la logique :

    – narrative (succession des épisodes sans enchaînement : Magical Maestro, Mise en boîte).

    – spatiale (passage d’un lieu à un autre non contigus, traversée d’immenses espaces).

    – matérielle (fusion humain/animal, humain/automobile (Bébé Taxi), non respect de la pesanteur, des distances, dilatation et torsion des corps, transformations à vue, etc.).

    Repérer les références au cinéma et les moments où le film nous fait sentir que c’est un film : gag du cheveu en bord du cadre dans Magical Maestro, par exemple. Confusion entre espace créé par la télé et espace du film (Mise en boîte).

     

  • Tex Avery, Disney et l’American Way of LifeDétailler tout ce qui relève d’un regard à la fois « documentaire » et critique sur la vie aux États-Unis : gratte-ciels, automobiles, vitesse, télévision, musique, puissance de l’argent (les nantis), Amérique rurale, exploitation, chômage (Amérique des pauvres)… Pointer le regard critique du cinéaste…

    Comparez avec certains films de Disney (au choix) : comment sont les personnages ? Proportion de « bons » et de « méchants » chez chacun ? Comment est montrée la famille chez Tex Avery (Bébé Taxi, Red Hot Riding Hood) ?

  • Personnages : brutes, truands, où sont les bons ?La critique féroce de Tex Avery porte aussi sur la nature humaine. La survie est le ressort essentiel de ses animaux-personnages. Pour certains, loups en particulier, cela va jusqu’à une cruauté plutôt gratuite. Distinguer les prédateurs de ceux qui ne cherchent qu’à survivre, et des « faibles », destinés à être « mangés » (quoique…). Poser la question de la morale des films de Tex Avery…

    Rapprocher les « personnages » de la réputation habituelle de l’animal dont ils prennent l’apparence : le Lion du Lion flagada, le loup rural, le chien Spike , le chat Tom, la poulette Daisy et les coqs de Coqs de village

    Joël Magny, le 15 septembre 2008

Expériences

Les Etats-Unis de Tex Avery

Les pieds sur terre, très à l’écoute des préoccupations de ses contemporains, Tex Avery nous offre une vision des États-Unis grâce à ses dessins animés, que l’on peut regarder comme autant de petits reportages ou d’évocations.

– L’espace

Avery a le don de restituer, par certains décors, la notion d’espace gigantesque indéfectiblement liée à ce pays.La frénésie des courses suggère une idée de distance considérable. La même idée est présente lorsque la voiture du loup s’allonge indéfiniment pour parvenir de la campagne à la ville, exactement comme si elle traçait la route et mesurait, à la fois, un éloignement kilométrique inhabituel pour des Européens. Par ailleurs, cette immense voiture suggère la démesure du « toujours plus, mieux et plus loin » que l’on attribue volontiers au tempérament nord-américaines. Dans les immenses villes où se déroulent la plupart des dessins animés de Tex Avery  l’emblème est le building. Ce dernier se complait à les « filmer » en plongée et contre-plongée, faussant le temps réel de la chute de Charles (Coqs de village), afin que le spectateur puisse se former une idée de la hauteur écrasante de ces habitations si différentes des fermes de l’Amérique rurale à échelle beaucoup plus humaine, telles qu’elles apparaissent dans Coqs de village et Méfie-toi fillette.

– Pauvres et nantis

Ces grandes villes se sont formées suite au formidable développement économique et industriel qui a connu un essor spectaculaire durant la période 1890-1920 pendant laquelle naissent déjà les grands trusts et apparaît le descendant du pionnier : le self-made-man. L’un des fruits de cet essor, remis en question par la crise de 1929, est omniprésent chez Tex Avery : il s’agit de l’automobile fétiche (Bébé taxi, Red Hot Riding Hood, Méfie-toi fillette) d’une civilisation de la production, de la vitesse et de la consommation. Plus tard, vient le tour du téléviseur qui joue un rôle primordial dans Bébé taxi et Mise en boîte. Cependant, ce formidable développement ne s’est pas réalisé sans injustice ni misère : la belle Daisy (Coqs de village) est obligée de laver des tonnes de linge sale dans un bac posé sur un tapis roulant qui tourne de plus en plus vite, tandis que Charles, le « patron » de la blanchisserie, le cigare aux lèvres et l’air satisfait surveille le passage du « produit fini », rappelant le travail à la chaîne et l’exploitation des ouvriers (cf. Les Temps modernes de Chaplin)…

– La femme, la vitesse, la famille…

Quant à la gent féminine qui a entamé depuis la Première Guerre mondiale son mouvement de libération, elle nous est présentée sous l’aspect ambivalent qu’elle devait encore avoir à l’époque pour une bonne partie de la population, à la fois objet de la convoitise sexuelle mais déjà sujet à part entière, puisque certaines d’entre elles (Méfie-toi fillette) sont parfaitement aptes à jouer le rôle attribué à l’homme dans le jeu de la séduction amoureuse. La pin-up intouchable représente-t-elle aussi, comme le dit Alain Duchêne, « … la danseuse chanteuse très désirable (image que l’Amérique donne au monde entier), opposée aux loups et satyres de tous poils (image interne d’une Amérique tourmentée). »

Dans cette Amérique de Tex Avery, tout va vite, il n’y a guère de temps pour la réflexion et il faut gagner à « n’importe quel prix ». C’est ce que semblent prouver ces personnages sans cesse en mouvement et obnubilés par la satisfaction toute individuelle de leurs besoins ou leurs lubies, quitte à marcher sur l’autre, à tous les coups perdants, et parfaitement étriqués par la morale puritaine qui visiblement fait des ravages psychologiques depuis l’ère des premiers pionniers. Quelque chose ne tourne pas rond, comme le prouvent Le Lion flagada ou le protagoniste de Mise en boîte, tous deux confrontés à la folie paranoïaque d’une société de plus en plus consumériste et de moins en moins humaine où jamais rien n’est définitivement acquis. Même la famille, pilier de la société nord-américaine, n’est plus ce qu’elle était (Bébé taxi). Certes, les mouvements de libération des femmes, qui ont permis à celles-ci l’accès aux études, au travail et à la vie politique de leur pays sont venus à bout de cette image idyllique de la femme et de la mère au foyer, et par là même ont eu un impact important sur l’évolution de la famille. Cependant, à l’instar de Bébé taxi, le Nord-Américain n’est-il pas cet homme porteur d’un idéal, assez flegmatique, suffisamment malin et adaptable pour mener à bien la réalisation de ses désirs ?

Les techniques du dessin animé à l’époque de Tex Avery

Les différentes étapes qu’exige la fabrication d’un dessin animé (cartoon) sont fortement hiérarchisées et répétitives. À l’origine le cartoon était réalisé sur papier opaque, ce qui entraînait des difficultés. Entre autres, le dessinateur ne pouvait dissocier les parties fixes de son dessin des parties mobiles. La technique de l’animation sur cellulo dans les années 1910 allait donner une impulsion décisive au genre.

L’apparition de l’informatique dans les années 1990 a fait évoluer en partie les techniques traditionnelles.

 

– Le story-board

Au même titre qu’un film classique tout bon cartoon fait l’objet d’un scénario mis en images par le réalisateur, sous forme d’esquisses se succédant, pour en raconter l’histoire. C’est le résultat de ces multiples dessins que l’on appelle, le story-board. Il sert de « conducteur » aux diverses équipes techniques.

Une fois précisés les traits de caractère, l’apparence physique et toute la gamme des expressions possibles des héros, les avoir situés dans le décor avec les indications de mouvements de la caméra, vient la partie exécution proprement dite du dessin animé.

 

– Animateur, intervalliste, traceur, coloriste

Après que l’animateur a pensé et dessiné au crayon les principales positions des personnages sur papier, l’intervalliste exécute tous les dessins intermédiaires entre deux dessins clés dans un mouvement. Le réalisateur vérifie la qualité de l’animation, puis le traceur encre soigneusement les dessins à la plume sur des feuilles de rhodoïd ou celluloïd transparentes (appelées « cellos » ou « cellulos »). Les « cellos » passent alors entre les mains du coloriste qui, muni d’un pinceau et de gouache acrylique, met en couleur le dessin sur le verso des « transparents », ceci afin que les aplats de couleur ne débordent pas sur les contours bien nets des personnages tracés sur l’autre face. Chaque « cellulo » est perforé et classé pour réaliser en quelque sorte une pellicule qui viendra se superposer au décor.

 

– Le décor

Le décor est peint, indépendamment des personnages, à l’aquarelle ou à la gouache sur une feuille de papier pouvant mesurer plusieurs mètres de long. Ceci afin de pouvoir réaliser de larges panoramiques.

 

– Prise de vue et piste sonore

Selon un ordre défini, les « cellos » ou « cellulos » sont superposés à un décor et passent sous une caméra, appelé banc-titre, qui les photographie image par image. On peut superposer plusieurs cellulos pour une même image.

Reste pour finir, la synchronisation de la piste sonore qui était réalisée, à l’époque de Tex Avery, dans un grand auditorium qui projetait sans fin les images muettes du cartoon et où l’orchestre se mêlait aux choristes et aux acteurs.