Swing

France, Japon (2002)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Archives EEC, École et cinéma 2021-2022

Synopsis

Max, fils unique, est âgé d’une dizaine d’années. C’est un fan de Jazz manouche, qu’il a découvert en écoutant jouer Miraldo, un virtuose de la guitare. Cette musique devient sa passion et le conduit vers le quartier des manouches où il achète une vieille guitare. Grâce aux cours que Miraldo veut bien lui donner, Max va faire l’apprentissage de la musique et de la culture manouches. Très vite, il devient l’ami de Swing, jeune manouche de son âge qui le fascine par son magnétisme, son assurance et sa liberté.

Distribution

Oscar Copp : Max
Lou Rech : Swing
Tchavolo Schmitt : Miraldo
Mandino Reinhardt : Mandino
Abdellatif Chaarani : Khalid
Fabienne Mai : grand-mère de Max
Ben Zimet : Docteur Liberman
Colette Lepage : femme de Miraldo
Marie Genin : mère de Max
Ghalia Benali : Ghania

Générique

Réalisation : Tony Gatlif
Scénario : Tony Gatlif
Musique : Mandino Reinhardt, Tchavolo Schmitt, Abdellatif Chaarani, Tony Gatlif
Images : Claude Garnier
Production : Prince Films
Durée : 1h30

Autour du film

Comme son titre l’annonce, Swing est un film qui swingue ! Tony Gatlif y rend un hommage vibrant à la communauté manouche, qui emporte le spectateur dans l’ivresse des chansons, la virtuosité des airs de guitare et la profondeur d’une culture qu’on a voulu assassiner. Le récit initiatique mène Max, fils à papa des quartiers bourgeois de Strasbourg, à la rencontre de Swing, petite manouche magnétique et libre. Entre les deux personnages se noue une belle relation d’amitié puis un premier amour, pris dans les aventures enfantines que leur offre le paysage environnant : les champs, les bois, la rivière, et les terrains vagues. Le film de Tony Gatlif ne nous parle que de ça, du lien entre les êtres à travers tout ce qui constitue l’humanité : la musique, le chant, la mémoire, la relation à la nature, la convivialité, la liberté.

De longues séquences musicales ponctuent ce trajet initiatique. Séquences d’apprentissage pour Max, mais aussi séquences de fête et de communion qui célèbrent le rapprochement des communautés dans les répétitions d’un concert pour La paix et la liberté où musiques et choeurs arabes, juifs, manouches et classiques se rencontrent pour un Hymne à la paix. Benshi

Pistes de travail

Le jazz manouche

Les Tziganes de Hongrie et de Roumanie ont inventé le csardas, les Gitanos d’Espagne, le flamenco. Le jazz manouche est un style assez récent, qui date des années 1930 dont le musicien le plus prestigieux est le grand guitariste Django Reinhardt. La richesse de son style tient peut-être à la rencontre de deux cultures musicales : la culture Tzigane qu’il tient de ses origines manouches et dont son jeu conserve la virtuosité́, le lyrisme, la mélodie, l’émotion ; et la culture américaine – plus précisément celle du jazz dont il est tombé amoureux dès ses premières écoutes (Louis Amstrong, Duke Ellington) – c’est à dire l’improvisation, la liberté́, le swing et le blues. Autant d’éléments que son génie utilisera toujours à bon escient pour agrémenter et différencier son jeu. Depuis sa mort, la grandeur de son génie n’a cessé de passionner la grande famille des musiciens. Cependant, cette passion s’exprime de façon bien plus ardente chez son peuple : les Manouches. Pour eux, il est non seulement une référence musicale, mais surtout l’emblème de leur communauté́. Il est un maitre dont les enseignements se transmettent de père en fils, de soliste en accompagnateur, plus généralement de « cousin à cousin ».

Depuis Django, peu de musiciens ont innové dans ce style musical. Beaucoup s’illustrent par leur jeu de guitare très technique, mais il leur manque l’émotion, le romantisme. Ce courant intéresse toujours les musiciens jazz américains notamment et il connait un véritable engouement dans certaines communautés évangéliques. Benshi

Expériences

Entretien avec le réalisateur Tony Gatlif

Tony Gatlif a déjà consacré plusieurs films aux Gitans et à leur culture (Les Princes 1983, Latcho Drom 1992, Gadjo Dilo 1997), donnant à la musique une place de choix. Swing perpétue cette tradition, avec cette fois une ouverture sur les musiques yiddish et arabe. Extrait de l’interview du réalisateur :

Quelle est l’influence de la musique sur la mise en scène ?
T. G. – La musique est cette liberté qui me donne le souffle de faire mes films, le souffle d’aller à la rencontre des autres dans le monde. Ce film ne pouvait se concevoir sans musique. Elle symbolise la liberté d’une enfant comme Swing. Et c’est pour découvrir ce style de musique étrangère à sa culture que Max va chez les manouches. La musique rythme l’ensemble du film. Nous avons travaillé pendant trois mois avec Tchavolo et Mandino sur une adaptation des « Yeux noirs », en mêlant des influences manouches, arabes et Yiddish.

Comment avez-vous tourné les séquences musicales ? On a totalement l’impression d’être dans la caravane, entouré des musiciens, des danseuses. C’était improvisé ?
T. G. – L’exiguïté du lieu imposait au contraire une préparation minutieuse. Nous avons mis au point, très précisément, tous les déplacements de caméras, de façon à être au moment voulu, dans le rythme et à la bonne focale sur chaque musicien. Quand j’ai expliqué à l’ingénieur du son, Régis Leroux, et à Claude Garnier, qui est chef opérateur et cadreuse sur le film, qu’on allait filmer vingt musiciens dans la caravane, Claude m’a dit : « Mais la caméra, elle sera où ? ». J’ai répondu : « Partout ! »

Vous avez multiplié les caméras ?
T. G. – Toute cette séquence est filmée avec seulement deux caméras, la seconde devant filmer en fonction du cadre de la première. À cause de l’exiguïté du lieu, il y avait toujours le risque qu’elle soit dans le champ. On a chorégraphié les mouvements des caméras comme pour un ballet. Il fallait suivre très précisément la musique, passer du solo de guitare à la contrebasse, puis revenir sur le violoniste ou sur la clarinette à la fraction de seconde près ! Chaque musicien avait trois micros, un pour le grain de la corde, le deuxième pour la caisse de résonance, le troisième pour l’espace. La scène dure six minutes, c’était impossible à tourner en play-back.

Vous filmez la fête, la joie de vivre, mais vous consacrez aussi une séquence au génocide des gitans.
T. G. – C’est un sujet difficile à traiter. Les rares manouches ayant réussi à sortir vivants de cette période hésitent à en parler, voire n’en parlent pas du tout. Je cherchais une femme manouche qui accepterait de parler de sa déportation et j’ai trouvé Hélène Mershtein.

Cette scène de la grand-mère est filmée comme un documentaire.
T. G. – J’ai refusé toute idée de mise en scène pour cette séquence précise. La caméra était simplement posée là et j’ai laissé à Hélène la liberté totale de raconter son histoire : on l’a enlevée, elle et toute sa famille. Ils ont tout laissé sur le bord de la route, les roulottes, les animaux, le feu qui brûlait… Il y a eu environ 500 000 gitans morts en déportation, c’est énorme pour ce peuple. Peu de vieux sont revenus. Depuis, il y a un grave problème de transmission. Depuis l’holocauste, les gitans ne sont plus comme avant, ils ont changé leur façon de vivre en suivant l’évolution de la société. Leur musique est subversive. Une musique que l’on n’apprend pas avec les yeux sur une partition, mais avec le cœur et l’oreille.

Il y a de nombreux plans aériens dans le film.
T. G. – Cette musique, quand je l’écoutais avant de tourner, je la sentais tellement aérienne que j’ai eu envie de faire le film sur une dominante d’envol, de plans aériens. Les gitans ont un rapport fort au religieux (il y a toujours une vierge dans la caravane ou à la maison), l’au-delà, le cosmos, les étoiles, et la nature. Benshi