Sweet Pepper Land (My)

Allemagne, France, Kurdistan (2014)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Fiction

Lycéens et apprentis au cinéma 2017-2018

Synopsis

Au carrefour de l’Iran, l’Irak et la Turquie, dans un village perdu, lieu de tous les trafics, Baran, officier de police fraîchement débarqué, va tenter de faire respecter la loi. Cet ancien combattant de l’indépendance kurde doit désormais lutter contre Aziz Aga, caïd local. Il fait la rencontre de Govend, l’institutrice du village, jeune femme aussi belle qu’insoumise…

Distribution

Golshifteh Farahani : Govend, l’institutrice
Korkmaz Arslan : Baran, le commissaire
Suat Usta : Reber, l’adjoint de Baran
Mir Murad Bedirxan : Tajdin, le neveu d’Aziz Aga
Tarik Akreyi : Aziz Aga, le chef de tribu mafieux
Feyyaz Duman : Jaffar
Véronique Wüthrich : Nîroj

Générique

Réalisation : Hiner Saleem
Assistant réalisation : Antoine Chevrollier
Scénario : Hiner Saleem et Antoine Lacomblez
Décors : Fehmi Salim
Costumes : Pauline Batista, Ceylan Remezan
Photographie : Pascal Auffray
Son : Miroslav Babic
Montage : Sophie Reine, Clémence Samson, Juliette Haubois

Autour du film

« My Sweet Pepper Land » : un western au Kurdistan
Surprise colossale : le meilleur western depuis des lustres ne vient pas des Etats-Unis, mais du Kurdistan. Un territoire qui, a priori, n’a rien de la terre promise pour les metteurs en scène revendiquant l’héritage de John Ford.
Un officier de police, ancien combattant de l’indépendance, tente de faire respecter la loi dans un coin reculé du pays. Il y affronte les mafieux locaux et y croise une très jolie jeune femme, institutrice de son état.
Lui, Baran, croit aux vertus de la loi et de la démocratie. Elle, Govend, tente d’imposer sa voix de femme libre dans un univers sévèrement machiste.
Entre ces deux personnages, l’un comme l’autre marginalisés dans ce bled de montagne gouvernés par les trafics en tous genres, la rencontre, inévitable, réserve son lot de surprises. Généreux, le lot…

Kurdistan, année zéro
« My Sweet Pepper Land », du nom du bar trônant au cœur du village – une sorte de saloon lugubre où les mâles toisent en silence tout nouvel arrivant –, n’est certes pas un western comme les autres.
On a beau y croiser des malfrats patibulaires qui s’agitent dans de spectaculaires décors naturels, le film ne se contente pas de recycler les figures imposées du genre. Il évoque avec un humour et un sens de la dérision qui rappellent plus d’une fois Sergio Leone, la situation politique, sociale et morale du Kurdistan, aujourd’hui.
Le cinéaste derrière la caméra sait de quoi il parle. Hiner Saleem, né en 1965 au Kurdistan Irakien, ne cesse de revenir dans ses fictions (« Vive la mariée… et la libération du Kurdistan », « Kilomètre zéro », etc.) sur son pays natal et ses habitants, qu’ils vivent sur place ou qu’ils composent avec l’exil, comme lui, qui a rejoint l’Europe à 17 ans.

Un shériff dans les Bermudes
Il s’explique sur l’origine de ce film aussi acide que cocasse :
« Au début du projet, j’imaginais un seul personnage : un ex-combattant de la résistance anti-irakienne, ne supportant plus la corruption qui gangrène la construction du Kurdistan libre.
Ce personnage est devenu Baran, qui choisit d’occuper un poste de shériff dans un triangle des Bermudes : à la frontière entre Irak, Iran et Turquie. Il tente de faire respecter
Il poursuit :
« Avec lui, je voulais montrer la réalité du Kurdistan : un pays en chantier, non seulement matériellement, mais aussi moralement. Un pays qui s’est ouvert au monde, mais où certains archaïsmes perdurent. En premier lieu, ceux visant les femmes. Pour cette raison, j’ai imaginé le personnage de Govend, qui affronte les hommes du village, mais aussi sa propre famille, qui ne voit pas d’un bon œil ses velléités d’émancipation. »

Une galerie de résistantes
Govend n’est pas la seule femme de « My Sweet Pepper Land ». Au fil de récit, l’institutrice idéaliste et son ami shériff croiseront d’autres filles qui luttent pour la liberté : des résistantes kurdes en lutte contre le régime turc et qui cherchent refuge dans les montagnes, de l’autre côté de la frontière.
Hiner Saleem :
« Il est de ma responsabilité d’homme et de cinéaste de montrer le sort réservé aux femmes dans le pays dont je suis issu. Les femmes engagées dans la résistance kurde sont nombreuses et l’assassinat de trois d’entre elles à Paris en janvier 2013 l’a dramatiquement rappelé. »
Il poursuit :
« Plus généralement, les femmes sont les premières à souffrir des conservatismes au Kurdistan. Dans le film, mon héroïne, Govend, est confrontée à ses frères, qui, pour certains, la comprennent et, pour d’autres, veulent la soumettre à des traditions obscurantistes. Elle est à la croisée des chemins, à l’image d’un pays qui doit choisir entre l’Etat de droit et l’arbitraire. »

L’absurde made in Kurdistan
Un contrepoint parmi d’autres de ce film foisonnant qui dresse un portrait iconoclaste du Kurdistan et qui, malgré ses rudes thématiques, privilégie toujours l’humour et l’absurde.
À l’image de la première scène où une exécution capitale par pendaison – à laquelle assistent quelques notables – est compromise pour divers motifs dérisoires, entre autres une corde récalcitrante. Hiner Saleem :
« J’aime que l’on raconte des choses sérieuses sans se prendre au sérieux. Cela a toujours été mon choix de cinéaste : je déteste l’attitude des donneurs de leçon qui prétendent délivrer la bonne parole aux ignorants. »
Il poursuit :
« La fiction permet toutes les audaces, mais, pour autant, ne croyez pas que tout ce qui est montré dans le film relève de ma fantaisie. La scène de la pendaison, comme beaucoup d’autres, est inspirée d’événements réels. Ce ne sont pas les anecdotes absurdes et délirantes qui manquent au Kurdistan. »

Un antiSaddam devenu milliardaire
Hiner Saleem entend bien continuer à examiner son pays natal avec le même regard critique, offensif, décalé. Dès que « My sweet Pepper Land » sera sorti sur les écrans de l’Hexagone, il présentera son film au festival d’Istanbul, puis repartira au Kurdistan pour entamer les repérages de sa prochaine fiction. Il s’explique :
« Ce long métrage sera dans la lignée de celui d’aujourd’hui. Il évoquera le boom économique dont bénéficie certains Kurdes, qui prospèrent dans ce grand chantier qu’est devenu mon pays. Le personnage principal sera un ancien combattant antiSaddam, devenu milliardaire. »
Il conclut :
« Dans l’esprit, le film se situera quelque part entre “ Gatsby le magnifique ” et “ Le Loup de Wall Street ”. Je souhaite qu’il soit encore plus corrosif et drôle que “ My Sweet Pepper Land ”. »

Par Olivier De Bruyn, Rue 89
http://rue89.nouvelobs.com

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