Chien de Monsieur Michel (Le)

France (1977)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Court-métrage

Archives CAC, Collège au cinéma 2000-2001

Synopsis

C’est un huis-clos qui se passe à Paris, dans l’immeuble d’un quartier populaire. Monsieur Michel est seul et pauvre. Il n’a pas de travail, il n’a pas d’amis, il n’a pas de famille, mais sa vie est bien remplie. Monsieur Michel a un chien. Un chien très particulier. Un chien qui n’existe pas. Monsieur Michel commence à avoir des difficultés avec son chien. Il aboie trop. Il n’est pas propre. Il ennuie les voisins. Que va bien pouvoir faire Monsieur Michel de son chien qui n’existe pas ?

Générique

Programme : Six courts métrage Collège

Réalisation Jean-Jacques Beineix
Scénario Jean-Jacques Beineix, d’après une nouvelle de André Rouyer
Image Yves Lafaye
Son Robert Connan
Montage Monique Prim
Musique Vladimir Cosma
Interprétation
M. Michel / Yves Alfonso
Le boucher / Jean-Pierre Sentier
Denise Perron
Corine Costantini
Henri Courseaux
Michel Hamelin
Production : Films 7 Film Couleurs (35mm)
Format Panoramique (1/1,66)
Durée : 14’
Année : 1977
N° de visa : 46 979
Distribution : Agence du court métrage

Autour du film

Risquons une hypothèse de départ : le court métrage, par définition est inabouti. Il est un monde en gestation, un univers qui se montre, mais qui avoue se chercher encore. En ce sens il est certainement – pour un jeune spectateur – la meilleure façon de rentrer dans le monde de l’analyse du cinéma. Une œuvre inaboutie est une œuvre qui a besoin d’un regard extérieur pour s’achever. C’est une œuvre qui invite à l’analyse, qui laisse la place à l’imagination critique et qui stimule l’invention analytique.
Le court métrage, c’est toujours le début du “ pourquoi ? ” Pourquoi ce plan ? Pourquoi ce raccord ? Pourquoi cette musique ? Pourquoi le réalisateur a-t-il choisi ceci plutôt que cela ? Pourquoi ?

L’anonymat des réalisateurs autorise toutes les hypothèses, aucune n’étant a priori inepte, permet toutes les audaces, aucune n’étant a priori interdite. Dans l’univers des courts métrages, il n’y a pas d’appareil critique préexistant, pas de lectures à tirer derrière soi, pas de spécialistes sur la question. Il n’y a guère qu’une chose : la liberté d’inventer un sens au film que l’on découvre, un questionnement, une critique. La première.

Voici donc six films. Six films très différents : un film belge d’animation, un film burkinabé documentaire, un film allemand comique, trois films français plus réalistes… six films qui ne se ressemblent pas, et qui pourtant posent une même question : qui est l’autre ? Ou encore : qui suis-je, moi qui demande qui est l’autre ? Six films qui interrogent l’altérité, et que nous avons la plus grande liberté de pouvoir interroger, à notre tour… nous les premiers de devant ces films.
Stéphane Malandrin

L’ironie psychanalytique
Jean-Jacques Beineix développe, à l’arrière plan de son film, une réflexion ludique sur le processus de la folie, que l’on pourrait assimiler à une petite fable psychanalytique sur les différentes instances du psychisme.
En effet, si la concierge de Monsieur Michel, c’est son Surmoi (elle est la loi de l’immeuble : c’est elle qui appelle la police) et si l’invention du chien symbolise la transgression du Ça (aboyer, uriner, salir), alors il est évident que le Moi ne peut trouver son équilibre que dans la résolution du conflit Ça/Surmoi. C’est la concierge ou le chien. La solution normale trouvée par Monsieur Michel, c’est de soumettre son principe de plaisir (je suis un chien) au principe de réalité (je ne suis plus un chien), reconnaître que la concierge a raison — et partant, accepter sa règle du jeu. La morale ludique étant que le meurtre du chien-symbolique (symbole de la fin du conflit entre le Ça et le Surmoi) conduit à la découverte du chien-réel (un vrai berger allemand)… comme si la concierge, par reconnaissance de dette, venait désigner au sujet l’objet socialement acceptable de son plaisir. La question finale étant évidemment : faut-il céder sur le désir qui vous habite, en l’occurrence : être soi-même la transgression, ou avoir chez soi un objet de transgression ?
Stéphane Malandrin

Pistes de travail

  • Relevez les différentes étapes de la folie de Monsieur Michel.
  • Relevez les différents moyens inventés par Monsieur Michel pour inventer l’existence de son chien. À partir de quand pensez-vous que le mensonge se transforme en aliénation pour le personnage ?
  • Démontrez en quoi l’invention du chien joue, pour le personnage de Monsieur Michel, le lien social que ne lui donne pas son statut de chômeur-célibataire.
  • Comment analysez-vous le dernier plan du film ?
  • Comment analysez-vous la “ noyade ” du chien de Monsieur Michel ? Que révèle cet épisode dans la psychologie du personnage ?
  • Questions de mise en scène : que permet la première scène du film dans la boucherie ? Par quel biais narratif l’invention du chien est-elle amenée dans le film ? Qu’apporte la scène entre Monsieur Michel et la petite fille venue faire réparer un appareil de radio ?

Expériences

Au sortir de la Première Guerre mondiale, les “ majors ” françaises sont plus enclines à développer des productions sans risque, souvent inspirées des grands textes littéraires, et à étendre leurs réseaux de distribution que de favoriser la création.

Les Avant-gardes (1915-1931)
De jeunes croitiques, poètes, peintres, musiciens s’emparent alors du court métrage et trouvent dans ce parent pauvre de la production commerciale le moyen d’exprimer une inspiration nouvelle. D’orgines très diverses, inspirés des mouvements dadaïstes, futuristes, puis surréalistes, ils auront en commun un même refus de la “ représentation romanesque ” et désigneront le théâtre comme l’ennemi absolu. Ils seront les fers de lance de ce qu’on appellera les Avant-gardes.
Abel Gance, l’un des premiers, tente de retrouver avec d’extraordinaires déformations d’images La Folie du Dr Tube, en 1915. Louis Delluc, l’un des théoriciens du mouvement, bouleverse l’organisation du récit avec Le Silence (1920). À partir de 1924, on note une radicalisation de la tendance : refus de rendre compte du réel, recherche d’une “ musique de la lumière ” (Le Ballet mécanique de Fernand Léger) pour aboutir à l’idée d’un “ cinéma pur ”, et à la réalisation de films abstraits (Jeux de reflets et de vitesse d’Henri Chomette, 1923-1925).
Entre 1924 et 1930, se développent des courts métrages d’inspiration surréaliste : L’Étoile de mer de Man Ray, et surtout Le Chien andalou de Dali et Buñuel et L’Âge d’or de Buñuel.
Parallèlement, pour un autre courant, le “ réalisme ” sera le plus court chemin vers la poésie. Plus sensibles aux problèmes sociaux et politiques, ces cinéastes réaliseront quelques œuvres marquantes : Rien que les heures d’Alberto Cavalcanti (1926), La Zone de Georges Lacombe (1928) et, surtout, À propos de Nice de Jean Vigo (1930).

Les Premières parties (1931-1940)
Le court métrage se réduit à cette époque à des premières parties, avant l’entracte, qui participent davantage d’un comique troupier volontiers égrillard que de l’art cinématographque. Des exceptions, cependant, comme l’admirable court métrage de Jean Renoir : Une Partie de campagne (1936).

Le Renouveau (1940-1953)
De nouvelles lois et le développement des réseaux de ciné-clubs vont favoriser un retour aux recherches des années 20 : films esthétiques (Images pour Debussy ou Pacific 231 de Jean Mitry), films “ engagés ” (Aubervilliers de Eli Lotar, Hôtel des Invalides de Georges Franju), des films d’art (Guernica de Alain Resnais, Les Charmes de l’existence de Jean Grémillon)… C’est en 1950 que Jean Genet réalise son unique film, interdit pendant près de 25 ans : Chant d’amour.

Les Nouvelles vagues (1953-1963)
La prime à la qualité est substituée à l’aide automatique. Il s’ensuit un nouvel élan, avec en particulier la création du “ Groupe des trente ” qui va se révéler être l’une des premières manifestations de ce qui sera le mouvement de la “ Nouvelle Vague ”. Le court métrage sera l’instrument de leurs premières passes d’armes : Nuit et brouillard (Alain Resnais, 1955), Du côté de la côte (Agnès Varda, 1958), Blue Jeans (Jacques Rozier, 1958), Charlotte et son Jules (Jean-Luc Godard, 1958), La Jetée (Chris Marker, 1962), La Boulangère de Monceau (Eric Rohmer, 1963), Paris vu par… (Jean Douchet, Jean Rouch, Jean-Daniel Pollet, Eric Rohmer, Jean-Luc Godard et Claude Chabrol, 1963).

Pour un cinéma différent (1960-1980)
Dans la riche mouvance des années 60/70, le court métrage est l’occasion pour certains cinéastes d’exprimer une sensibilité originale et souvent passionnante : Carlos Vilardebo (La Petite Cuillère, 1960), Marcel Hanoun (Egosum, 1963), Robert Lapoujade (Mise à nu, 1965), Martial Raysse (Jésus-Cola ou l’hygiène de la vision), Jean Eustache et son admirable Une sale histoire (1978).
Jacques Petat

Aujourd’hui
Au fil des années, le monde du court métrage s’est organisé, a trouvé ses propres réseaux de diffusion, ses propres réseaux de production, ses propres tics de narration, son propre public, si bien que le court a fait de son immaturité et de son professionnalisme incertain une caractéristique nouvelle — et assumée — de son système.
Il y a au moins trois raisons à cela :
– L’économie, d’abord. Le court métrage a cette caractéristique d’être et de n’être pas — en même temps — inscrit dans l’économie. La plupart du temps, réalisateur, scénariste, techniciens et acteurs ne sont pas payés lorsqu’ils travaillent sur un court. Une, voire deux semaines de travail sans rémunération sont nécessaires à la réalisation d’un film, sans compter les journées de préparation et d’écriture. Les quatre cents courts métrages produits chaque année constituent une masse d’heures de travail non rémunérées étonnante, dans un espace économique où les sommes investies deviennent souvent colossales.
– Deuxième spécificité : sa diffusion. Le court métrage est lié à son espace de diffusion — le festival —, comme le film long est attaché à la salle de cinéma. Les festivals de courts métrages se greffent à la fois sur l’identité non-économique du court (des bénévoles), et sur son identité : le public y est jeune, en apprentissage, et souvent lui-même hors du circuit économique. On dénombre environ quarante festivals de courts métrages en France, répartis sur toute l’année, de Brest (films européens) à Toulouse (films d’Écoles de cinéma du monde), en passant par Clermont-Ferrand (le fief du court), Poitiers, ou Meudon. Une culture spécifique qui suppose et engendre une attitude différente face aux films.
– Troisième et dernière spécificité : l’identification du cinéma de court métrage se fait au niveau du film (c’est l’histoire de…) et non au niveau de son auteur (c’est un film de…). À tel point que bon nombre de courts métrages sont davantage faits pour être racontés (les courts “ à chute ”) que pour partager un regard sur le monde.

Dans le monde du court métrage, la production, la diffusion, et le public sont strictement différents du monde du long métrage. Ils définissent les critères d’une forme singulière de l’acte cinématographique et donnent à penser que, davantage qu’une antichambre, le court métrage est aujourd’hui l’autre visage du cinéma.
Stéphane Malandrin

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Jean-Jacques Beineix de Philippe Fréling