Armée des douze singes (L’)

États-Unis (1996)

Genre : Science-fiction

Écriture cinématographique : Fiction

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2001-2002

Synopsis

En 2035, James Cole est extirpé de la cage où il est gardé prisonnier : le conseil des savants, règnant sur ce monde souterrain, l’envoie dans le passé pour retrouver l’origine du virus qui, en 1996, tua la quasi-totalité de l’humanité. Une erreur des savants transporte James Cole en 1990, où il est pris pour un fou et enfermé dans un asile, puis en 1917, et enfin en 1996. Habité par des visions étranges, Cole trouve un soutien auprès de la psychiatre Kathryn Reilly, qui veut l’aider à empêcher la catastrophe bactériologique, dont serait responsable  » L’Armée des douze singes « , un groupe d’écologistes. Mais c’est la réalisation de ses visions intérieures que Cole va découvrir.

Générique

Titre original : Twelve Monkeys
Réalisation : Terry Gilliam
Scénario : David Peoples et Janet Peoples, inspiré par le film La Jetée de Chris Marker
Image : Roger Pratt, B.S.C.
Son : Jay Meagher
Effets spéciaux mécaniques et pyrotechniques : Vincent Montefusco
Décors : Jeffrey Beecroft
Montage : Mick Audsley
Couleur
Durée : 2 h 05
Date de sortie à Paris : 28 février 1996
Interprétation
James Cole / Bruce Willis
Kathryn Reilly / Madeleine Stowe
Jeffrey Goines / Brad Pitt
Jose / Jon Seda
Docteur Peters / David Morse
Docteur Goines / Christopher Plummer

Autour du film

L’Armée des douze singes appartient à un genre en vogue, la science-fiction. Il n’en fut pas toujours ainsi. Dans les années 1960, ce type de récit était considéré au mieux comme un sous genre, au pis comme indigne d’intérêt. C’était le cas lorsque l’écrivain et cinéaste français Chris Marker entreprit de filmer, en noir et blanc et en images fixes, une histoire de science-fiction intitulée La Jetée (1962). Chris Marker voulait prouver que ce genre était à la fois d’une grande importance pour comprendre notre époque (la hantise de la guerre atomique, l’effroi devant l’univers concentrationnaire nazi, la peur devant la montée d’une science sans conscience) et possédait un pouvoir cinématographique indiscutable.
Il était, dès lors, logique que trente-deux ans plus tard, en 1995, on reprenne ce thème pour adapter son propos à une époque encore plus pessimiste, à une société décadente au bord du cataclysme, où la science est encore plus soumise à l’argent, prête à jouer avec les lois de l’univers à ses risques et périls. Bref, une société livrée à la folie, et qui a fait de la folie sa normalité. Dans L’Armée des douze singes, la science-fiction est traitée, en définitive, au delà des outrances et exagérations stylistiques, d’une façon qu’il faut bien appeler réaliste.
Jean Douchet

Pistes de travail

La première chose qui frappe à la vision de L’Armée des douze singes est l’importance accordée au décor. Il est toujours montré comme étrange, fascinant, insolite mais, surtout, Terry Gilliam souligne en permanence son aspect maléfique et étouffant. Le décor est traité comme le personnage principal du film et dit visuellement l’état de décrépitude auquel est réduite la société contemporaine.

A noter aussi, et c’est lié, l’importance des détails dans cet univers de bric-à-brac. La construction du récit le reflète : tous les éléments qui jouent un rôle dans l’histoire nous sont montrés bien avant que nous saisissions leur place et leur fonction dans le déroulement des événements. Les détails ont toujours la priorité sur l’ensemble.
Le traitement du temps, futur-passé-présent, ouvre une perspective vertigineuse, qui utilise tous les paradoxes de la temporalité considérée comme un simple espace. C’est un jeu instructif que de tenter de comprendre comment et pourquoi s’effectue dans le film tel ou tel changement de temps.

Mise à jour: 18-06-04

Expériences

L’Armée des douze singes prend parfaitement sa place dans l’œuvre de Terry Gilliam. On y retrouve son besoin de fragmenter, briser tous les espaces, aussi bien tridimensionnels que temporels. On constate que son univers obéit encore et toujours à un imaginaire digestif, si flagrant dans Le Baron de Munchausen, qui fait tout circuler dans de vastes réseaux intestinaux, prenant parfois la forme de tuyauteries, comme dans Brazil. L’Armée des douze singes développe cette thématique d’autant plus fortement que Gilliam la multiplie et l’universalise. Cette fois, c’est l’époque elle-même qui absorbe et fait absorber aussi bien le virus que la folie. Le film de Gilliam renvoie à une vision prophétique, fantasmée, délirante, de notre monde.

L’Armée des douze singes appartient à un double courant, souvent mêlé, celui du fantastique et celui de la science-fiction. Du premier, Terry Gilliam retient l’un des trois thèmes fondamentaux : le danger et la peur de la science, des docteurs fous, donc de la folie elle-même. Du second, il tire une hypothèse plausible à partir de la connaissance des théories scientifiques, ici sur la question du temps en tant qu’espace dans lequel il est possible de se déplacer comme le propose la théorie de la relativité.
Lorsque ces deux courants fusionnent, c’est toujours le fantastique qui l’emporte. La science-fiction devient vite politique ou sociale. Elle reflète les hantises, angoisses et fantasmes millénaristes d’une société qui attend avec masochisme la catastrophe apocalyptique. Elle est le châtiment de la fuite  » en argent  » qui gouverne la société moderne et conditionne l’univers carcéral dans lequel les individus sont englués.

Outils

Bibliographie

Terry Gilliam : un python et douze singes, L'Ecran fantastique n° 146, 1996.
Entretien avec Terry Gilliam, Positif n°289, 1985.
Terry Gilliam et les Monty Python, La revue du cinéma n°403, 1985.
Le remake et l'adaptation, Cinémaction, 1989.
Le petit livre de Terry Gilliam, Jean Marc Bouineau, Spartorange, 1996.
Brazil de Terry Gilliam, Louis Danvers, Yellow Now, 1988.
Les aventures du baron de Munchausen, Terry Gilliam, Solar, 1989.
Le cinéma fantastique, Patrick Brion, La Martinière, 1991.
Cinémas de science-fiction, Yves Aumont, L'Atalante, 1985.