Chien jaune de Mongolie (Le)

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Situation de l’extrait : Chapitre 14 : la disparition de Batbayar : 1’14’00 à 1’19’00

Avant dernière séquence. La famille quitte le camp où elle a passé l’été. Nansal est contrainte d’abandonner son chien une bonne fois pour toute. Alors que la caravane s’éloigne, les parents réalisent que le bébé a disparu. Son père galope à sa recherche.

Dans cet extrait, le chien change de statut. D’animal de mauvais augure, il se transforme en compagnon protecteur. Grâce à l’utilisation de la musique, le chien subtilise au père son rôle de sauveur.

Cette séquence rompt avec le reste du film. Alors que la réalisatrice nous a installés dans un rythme tranquille grâce à de longs plans, fixes ou en mouvements constants et discrets, le montage bouscule le spectateur. Après la découverte de la ceinture de Batbayar sur la route, 6 plans courts s’enchaînent. Réalisés à l’épaule, ils sont tremblants comme dans un reportage filmé à chaud et communiquent l’affolement et la fébrilité des parents face à la disparition de leur bébé. 

La réalisatrice choisit ensuite d’accompagner la course effrénée du père par un morceau de musique mono instrumental. Ce choix souligne non seulement la solitude du personnage dans l’immensité du paysage, mais le rythme scandé des cordes de la contrebasse mongole redouble le mouvement de galop du cheval jusqu’à incarner à elle seule le père au secours de son fils.

La réalisatrice qui alterne au montage (voir onglet Mise en scène) course du père et jeu de l’enfant choisit d’abord de ne pas conserver la musique sur les plans de Batbayar. Ainsi, naît un contraste qui, dans un premier temps, nous fait ressentir de façon presque comique l’insouciance du bébé par rapport à la course tempétueuse du père. Mais peu à peu, le thème du père au galop chevauche les plans du petit garçon menacé par les vautours. La musique remplace l’image du père : il n’est pas à l’image mais elle donne pourtant l’impression qu’il est maintenant très proche. Mais maintenant, la composition musicale persiste… et c’est maintenant la course du chien qu’elle semble accompagner.

Le chien Tatoué semble s’être substitué au père sauveteur. C’est lui qui écarte le danger en chassant les vautours qui menaçaient l’enfant. La musique s’éteint alors. En glissant d’un personnage à un autre, elle transfère aussi une fonction, celle du protecteur, à l’animal.

Cette séquence résonne avec la séquence du prologue : on y voit l’enterrement du chien en flash forward et le père expliquant à son fils devenu grand qu’il place la queue de l’animal sous sa tête afin qu’il se réincarne en une personne avec une queue de cheval. C’est précisément dans la séquence analysée ici que l’accession de l’animal au rang de membre de la famille semble avoir débuté. Il semble que Tatoué achèvera sa transformation après le passage dans l’autre monde.