To be or not to be (Jeu dangereux)

États-Unis (1942)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Lycéens et apprentis au cinéma 2010-2011

Synopsis

Varsovie, 1939. Une troupe de comédiens prépare la pièce antinazie Gestapo, mettant en scène Hitler. Parmi les comédiens, un couple, Maria et Joseph Tura, mari jaloux et comédien susceptible. Lorsque la guerre éclate, la représentation de cette pièce ayant été interdite, il ne reste plus à la troupe qu’une possibilité : reprendre Hamlet. Joseph Tura déclame le fameux monologue « To be or not to be » (« Être ou ne pas être » ) pendant que sa femme, Maria, reçoit dans sa loge l’officier Sobenski qui est amoureux d’elle. Pour fuir vers l’Angleterre, les comédiens vont devoir mener un double jeu, se fondre dans la peau de personnages et même, dans celle du Fürher.

 

Générique

Titre original : To be or not to be
Réalisation : Ernst Lubitsch
Scénario : Ernst Lubitsch, Melchior Lengyel, Edwin Justus Mayer
Image : Rudolph Maté
Musique : Werner R. Heymann
Décor : Vincent Korda
Montage : Dorothy Spencer
Production : Romaine Film Productions
Noir et blanc
Durée : 1h45
Interprétation :
Maria Tura / Caroles Lombard
Joseph Tura / Jack Benny
Le lieutenant Stanislas Sobinsky / Robert Stack
Greenberg / Félix Bressart
Le colonel Erhardt / Sig Ruman
Rawitch / Lionel Atwill
Bronski / Tom Dugan
Le professeur Siletasky / Stanley Ridges
Le capitaine Schultz / Henri Victor
Dobosch / Charles Halton
Le major Cunningham / Miles Mander

Autour du film

Il y a deux sortes de cinéastes, c’est pareil pour les peintres te les écrivains, ceux qui travailleraient même sur une île déserte, sans public, et ceux qui … non… à quoi bon ? Pas de Lubitsch sans public mais, attention, le public n’est pas en plus, il est avec, il fait partie du film. Dans la bande sonore il y a le dialogue, les bruits, la musique te nos rires, c’est l’essentiel, sinon il n’y a pas de film. Les ellipses de scénario, prodigieuses, ne fonctionnent que parce que nos rires établissent le pont d’une scène à l’autre. Dans le gruyère Lubitsch, chaque trou est génial.

De temps en temps, l’expression « mise en scène » signifie quelque chose, ici elle est un jeu qui ne peut se pratiquer qu’à trois et seulement pendant la durée de la projection. Si vous me dites : « Je viens de voir un Lubitsch dans lequel il y avait un plan inutile », je vous traite de menteur. Ce cinéma là, le contraire du vague, de l’imprécis, de l’informulé, ne comporte aucun plan décoratif, rien qui soit là « pour faire bien », non, on est dans l’essentiel jusqu’au cou. J’ai parlé de ce qui s’apprend, j’ai parlé du talent, j’ai parlé de ce qui au fond, éventuellement , peut s’acheter en y mettant le prix, mais ce qui ne s’apprend ni ne s’achète c’est le charme et la malice, ah, le charme malicieux de Lubitsch, voilà qui faisait de lui vraiment un Prince. »

film-sans-frontieres.fr, d’après un texte de François Truffaut tiré du livre Ernst Lubitsch aux Éditions Cahiers du Cinéma/Cinémathèque Française

Le 20 mars, Lubitsch prend la plume dans le New York Times : « Je suis accusé de trois pêchés principaux : d’avoir violé toutes les formes traditionnelles en combinant le mélodrame à la comédie satirique ou même à la farce ; de mettre en danger notre effort de guerre en traitant le péril nazi avec légèreté : et d’avoir fait preuve de très mauvais goût en choisissant l’actuelle Varsovie comme cadre de comédie. (…) Il est vrai que j’ai essayé de rompre avec les formules cinématographiques traditionnelles … J’avais décidé de faire un film … qui serait dramatique quand la situation l’exigerait, satirique et comique chaque fois qu’il le faudrait. Appelons-le farce tragique ou tragédie brulesque, cela m’est indifférent, comme c’est indifférent au public … »

Edouard Waintrop, Libération 27 mai 1992

Lubitsch traite sur le mode comique un thème qui d’ordinaire provoque la spéculation métaphysique, ou le sentiment tragique de la vie : celui de l’illusion et de la réalité. On aurait tort de ne voir dans ce film qu’un divertissement, bien qu’il en soit un de première valeur. La référence à Shakespeare n’est pas fortuite. De La Mégère apprivoisée à Hamlet en passant par Le Songe d’une nuit d’été, la pièce dans la pièce fut un procédé familier au dramaturge, qui lui permit de mettre en lumière ce problème pour nous très actuel de la recherche de sa propre identité. Que le film ait été tourné en pleine guerre s’explique aisément. Dans le chaos engendré par le conflit, où l’adversaire avait fait du spectacle (défilés, cérémonies, etc) une arme psychologique capitale, chacun tentait de se définir pour ne pas se perdre dans le flot … To be or not to be représente le type même de l’œuvre où le spectacle se confond avec la vie. Fascinant jeu de miroirs où l’un éclaire l’autre et réciproquement, les héros n’étant jamais eux-mêmes, sans cesser non plus d’être totalement. Position périlleuse de moraliste sceptique qui tranche à sa manière le fameux dilemme shakespearien offert par le titre, en le traitant comme un faux problème.

Michel Ciment, Image et son 1965

To be or not to be, comme Le Dictateur sont considérés aujourd’hui, à juste titre, comme des œuvres essentielles de l’histoire du 7ème art. Ces deux œuvres sont indissociables l’une de l’autre car Chaplin et Lubitsch ont traité leur sujet sur le mode de la satire, ce qui dérangea les spectateurs de l’époque, peu enclin à accepter ce qu’ils considéraient comme une atteinte aux victimes des nazis. Le climat patriotique qui sévissait dans le pays avait du mal à admettre que le burlesque soit utilisé pour parler d’un sujet grave. Pourtant, même si le film utilise des ressorts comiques, il est très réaliste, beaucoup plus que le Dictateur. Contrairement au film de Chaplin qui emploie des noms fictifs comme Hynkel (pour Hitler) ou Osterlich (pour Autriche) pour mettre en place sa satire, Lubitsch s’attaque au problème de façon directe et n’hésite pas à parler d’Hitler, de la Pologne, de camps de concentration. La critique ne fut pas en reste et se déchaîna sur le film ce qui affecta moralement et physiquement le réalisateur.

To be or not to be , sous ses allures de comédie, est une œuvre profondément personnelle et engagée et fut incomprise à son époque. Cinglant échec pour un homme qui avait accumulé les triomphes depuis son arrivée à Hollywood vingt ans plus tôt. Heureusement le temps rendra (assez vite) justice à ce qui demeure l’une des meilleures comédies jamais tournées. Le film est aussi un bel et vibrant hommage au théâtre et à ses acteurs et une sorte de retour aux sources pour Lubitsch qui débuta comme comédien de théâtre.

DVD Classik.com

Vidéos

Hamlet dans tous ses états

Catégorie :

Dans To Be or Not to Be, le monologue d’Hamlet est soit déclamé sur scène où il est enrayé par le départ d’un spectateur, soit repris en dehors du cadre théâtral. Par la suite, trois films américains feront subir au monologue ces deux traitements : interruption et délocalisation. Le prosaïsme américain accoste sans ménagement la vieille culture européenne : du rêve de Lubitsch d’acclimatation du théâtre au cinéma au cauchemar de Chaplin d’une digestion du théâtre par la télévision américaine, quinze ans seulement se seront écoulés.

Cette vidéo a été conçue en complémentarité avec le texte « Abyme de réflexion », en page 16 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Texte, voix : Jean-François Buiré
Réalisation : Centre Images

Théâtre amateur à la Gestapo

Catégorie :

S’arrogeant le privilège réservé jusqu’alors aux membres du théâtre Polski, le colonel Ehrhardt et ses acolytes conçoivent à leur tour une mise en scène. Mais on ne joue pas impunément avec les puissances du faux, comme Ehrhardt l’apprendra à ses dépens.

Texte : Jean-François Buiré
Réalisation : Centre Images