Rafiki

Afrique du Sud, France, Kenya (2018)

Genre : Autre

Écriture cinématographique : Fiction

Lycéens et apprentis au cinéma

Synopsis

À Nairobi, Kena et Ziki mènent deux vies de jeunes lycéennes bien différentes, mais cherchent chacune à leur façon à poursuivre leurs rêves. Leurs chemins se croisent en pleine campagne électorale au cours de laquelle s’affrontent leurs pères respectifs. Attirées l’une vers l’autre dans une société kenyane conservatrice, les deux jeunes femmes vont être contraintes de choisir entre amour et sécurité…

Distribution

Avec Samantha Mugatsia, Sheila Munyiva

Générique

Réalisation : Wanuri Kahiu
Casting : Samantha Mugatsia, Sheila Munyiva
Durée : 82 minutes

Autour du film

Le film est d’autant plus fort qu’il ne recherche pas le scandale dans sa forme, qu’il n’est pas si revendicatif : il possède une grande douceur et l’amour entre les deux filles n’est pas présenté comme la recherche d’une différence sexuelle, mais surtout comme l’évidence d’un sentiment réciproque immédiat. Le message n’écrase jamais vraiment le récit ou les personnages.

Il ne faut pas en faire un chef d’œuvre intouchable et soustrait à la critique pour autant. Il y a beaucoup de défauts, et ils peuvent être discutés avec les élèves.

Le premier défaut tient au regard porté sur la ville, beaucoup trop lacunaire et imprécis. Sans verser dans le didactisme, il aurait été intéressant de mieux montrer à quoi ressemble une capitale africaine, à quels lieux et quelles habitudes les jeunes Kényans peuvent se raccrocher. Du coup, l’ancrage réaliste est très vite évacué dans les premiers plans du film, et même la rumeur de la ville est vite assourdie. La réalisatrice Wanuri Kahiu privilégie alors des lieux de rencontre fantasmatiques, qui deviennent le cocon de la relation entre Kena et Ziki : des lieux ensoleillés et ouverts, ou bien la camionnette qui abrite leurs premiers ébats. Il s’agit de tourner le dos au monde pour rejoindre l’ardeur des amants. Mais cet écart aurait été plus fort si ce monde extérieur avait été davantage incarné.

De même, le fond politique du film est trop esquissé : les pères de Kena et de Ziki sont des adversaires politiques, l’un est vraisemblablement plus tolérant et plus ouvert que l’autre, l’un s’épanouit dans le commerce alors que l’autre semble posséder un pouvoir politique plus étendu. Malheureusement, ce contexte politique ne sert qu’à attiser l’opposition entre les deux familles, créant une rivalité qui accentue l’impossibilité de leur amour.

Cette piste n’est pas poursuivie par le film et disparaît très vite. Peut-être que la cible politique aurait été trop explicite et que le film se serait attiré davantage d’ennuis encore avec la censure. L’éveil du sentiment amoureux aurait gagné à avoir une opposition plus forte, rendant l’évolution dramatique du film plus nette. Mais son courage est justement de chercher à rendre l’émotion d’un sentiment sans mièvrerie ni crudité.

La pression de la censure

L’homosexualité est vue comme l’acceptation d’un amour plus fort que la différence sexuelle et les personnages ne montrent pas véritablement de résistances par rapport à la naissance de cet amour. Cela peut être encore scandaleux, et c’est abordé avec beaucoup de tendresse : il ne s’agit pas de s’exhiber mais de vivre un épanouissement. En cela, la position du personnage principal qui accepte silencieusement son attirance est assez belle : elle ne lutte pas mais s’abandonne quand elle peut.

Ces défauts sont-ils dus à la pression de la censure, voire à l’autocensure inconsciente qui peut frapper la cinéaste, qui préfère se retenir pour mener son film à bien plutôt que de heurter frontalement le pouvoir politique ? Cette question est légitime, et ce qui peut paraître tendre et édulcoré à un spectateur occidental peut, au contraire, constituer une prise de risque dans un pays dont l’expression et la liberté cinématographiques sont limitées. C’est l’occasion d’un débat intéressant sur les limites ou la profondeur d’un geste provocateur, voire scandaleux.

Vidéos

Rafiki (première séquence)

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