Perfect Blue

Japon (1999)

Genre : Aventure

Écriture cinématographique : Film d'animation

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2001-2002

Synopsis

Mima est la vedette d’un trio féminin de variété, les Cham, en même temps qu’une jeune fille normale, vivant seule dans un minuscule appartement, cubique comme son aquarium. Convaincue par son agent de passer de chanteuse à actrice, elle devra faire de dégradantes concessions pour s’imposer. Elle est alors harcelée par un fan déçu et dangereux et ceux qui contribuent à souiller son image sont, un à un, atrocement tués. Alors que la différence entre la vie réelle et son image préfabriquée commençait à lui échapper, Mima finit par découvrir que c’est en fait Rumi, son amie la plus proche, qui se trouve être la grande manipulatrice.

Générique

Réalisation Satoshi Kon
Scénario Sadayuki Murai, d’après une nouvelle de Yoshikasu Takeuchi
Conseiller et superviseur général Katsuhiro Otomo
Conseillers Kouichi Okamoto et Yoshikazu Takeuchi
Superviseur Ken Washiya
Stylistique des personnages Satoshi Kon et Hiki Hamasu, d’après les personnages créés par Hisashi Eguchi
Direction artistique Nobutaka Ike
Photographie Hisao Shirai
Montage Harutoshi Ogata
Musique Masahiro Ikumi
Production Rex Entertainment, Mad House
Producteurs Masao Maruyama et Hiroaki Inoue
Distribution Metropolitan Filmexport
Format 1.85
Film 35 mm, couleur
Durée 81 minutes
Sortie à Paris 8 septembre 1999

Autour du film

Perfect Blue a été présenté, et défendu par la critique, comme autre chose (sous entendu quelque chose de mieux) qu’un dessin animé de long métrage. La complexité du scénario policier et le travail fin du montage entre les parties concernant la réalité de la vie quotidienne de l’héroïne et les parties rêvées ou fantasmées par elle, ont fait dire que le film reposait sur des processus créatifs traditionnels de prise de vues directe plus que de dessin animé. Cela n’est pas totalement faux, pourtant il est aussi parfaitement dépendant de son contexte de production. La  » Japanimation « , énorme machine de production – la plus grosse du monde – a inventé, en plus de quarante ans, une animation très majoritairement au rabais, fondée sur la série télévisée et un marché totalement atypique de longs métrages. Sur ce socle historique se sont bâties, à la fin du siècle, des longs métrages d’animation de très grande qualité comme ceux de Miyazaki, Oshii, Takahata ou Otomo pour citer les réalisateurs les plus en vue. Si Perfect Blue doit leur être rattaché et distingué du tout-venant de la production commerciale bas de gamme, son scénario même n’est pas sans évoquer un balancement entre le haut et le bas. L’aventure de son héroïne, solitaire culpabilisée contrainte à la soumission et portant des espérances adolescentes correspond parfaitement aux habitudes des mangas télévisés. Une relative exploitation stylisée du statisme économe d’animation rappelle les  » techniques expéditives  » des grandes heures de la série télévisée japonaise, qui a ses adeptes. Cette double inclination de Perfect Blue : vers le haut et l’avenir et vers le bas et le passé de l’animation japonaise grand public peut être comprise comme un tour supplémentaire de la mise en abyme du film.

La grande réussite de Perfect Blue tient à la rigueur documentaire avec laquelle d’emblée il nous fait croire à la réalité du monde qu’il campe (pour mieux par la suite la brouiller). Peu de films japonais récents nous donnent autant d’informations sur le Japon contemporain. On peut par exemple tout ignorer du phénomène des Idoles et comprendre parfaitement la fonction sociale de ces semi-vedettes éphémères, idolâtrées par des petits groupes d’adolescents. Le film décrit avec une grande précision les liens d’argent et de pouvoir qui lient Mima à ses agents, les négociations acharnées afin d’obtenir d’elle quelques lignes dans une série télé, la répartition des bénéfices, la relativité de cette célébrité (quand elle descend de scène, Mima redevient quasiment une inconnue et rentre en métro dans un studio d’une vingtaine de mètres carrés). L’environnement urbain, les moyens de locomotion, les rouages du showbiz, la vie d’une équipe de télévision, tout cela est rendu de façon hyperréaliste. Ce sens de la description étonne d’autant plus que, chez nous, l’animation a été entièrement colonisée par le conte et la féerie. Perfect Blue prolonge donc toutes les vertus de la série B du cinéma classique : économie dramatique, sens du tempo et de la concision, rigueur de l’enchaînement des plans et du montage, jeu complexe sur le point de vue, ancrage documentaire.
Jean-Marc Lalanne, Cahiers du cinéma n°538, septembre 1999.

Pistes de travail

Pour établir une situation objective du film, on peut :

  • comparer l’héroïne du film avec les héros des dessins animés japonais télévisés de série diffusés en France dans les années1980,
  • rechercher des relations que le film entretient, au contraire, avec des films de prise de vues directes : classiques hitchcockiens, films policiers, thrillers, films d’horreur, etc.,
  • comparer le film, du point de vue des décors, de la volonté de réalisme documentaire, des dialogues et du scénario, du mouvement des personnages, etc., avec d’autres dessins animés de long métrage contemporains, japonais ou américains (voire français : Robinson et Cie, Kirikou et la sorcière, Le château des singes).

    Pour entrer dans le cœur du film, et notamment comprendre le fonctionnement de la mise en abyme, plutôt que de se perdre à reconstituer une histoire cohérente à partir du récit fragmenté et volontairement leurrant pour le spectateur, il est plus productif de faire une reconnaissance très précise des instants de passage d’un univers à un autre : qu’est-ce qui se passe alors, d’un point de vue visuel, sonore, et narratif ?

    Mise à jour : 17-06-04

  • Expériences

    Il n’y a pas encore d’ » œuvre  » cinématographique propre de Satoshi Kon en dehors de Perfect Blue, qui est son premier film. Satoshi Kon est par ailleurs dessinateur de bandes dessinées, et son parcours dans l’industrie du cinéma d’animation japonais contemporain, principalement dans l’équipe de Katsuhiro Otomo, lui a fait connaître les différents postes créatifs dans l’élaboration d’un manga d’aujourd’hui.

    Une étude admirablement documentée de Michel Pastoureau, Bleu Histoire d’une couleur (Le seuil, 2000), décrit le retournement historique qui a fait passer cette couleur, dans nos civilisations occidentales d’un véritable rejet à une réussite progressive jusqu’à l’époque actuelle où elle règne sans partage, représentant cependant la neutralité et la généralité. Le bleu est, au XXe siècle, ce qu’il est convenu d’appeler  » la couleur préférée  » de l’immense majorité des populations du monde entier, tous sexes, âges et domaines d’activité confondus, loin devant toutes les autres couleurs, tandis qu’il n’était, pour les Anciens, que barbare.
    Le bleu  » parfait  » de Satoshi Kon est donc aussi, entres autres significations, un commun dénominateur, en mesure de parler immédiatement à tout spectateur potentiel moderne. Comme Luc Besson avec Le Grand Bleu (France, 1988 et 1989 pour la version longue), Satoshi Kon a inventé (sans la mythologie des eaux profondes, à la fois maternelles et dépressives de son homologue européen) le bleu de grande diffusion.

    Outils

    Bibliographie

    Otaku - Les enfants du virtuel, Etienne Barral, Denoël, 1999.
    Cartoons - Le cinéma d'animation 1892-1992, Giannalberto Bendazzi, Liana Levi, 1991.
    Les âmes dessinées - Du cartoon aux mangas, Luca Raffaelli, Dreamland, 1996.

    Histoire du bleu, Françoise Jacquemin, Noesis, 2000.
    Bleu : histoire d'une couleur, Michel Pastoureau, 2000.