Lilting ou La Délicatesse

Grande-Bretagne (2014)

Genre : Drame, Romance

Écriture cinématographique : Fiction

Prix Jean Renoir des lycéens 2014-2015

Synopsis

Londres. Dans une maison de retraite, Junn, une mère sino-cambodgienne pleure la disparition de son fils, Kai. Son deuil est dérangé par l’arrivée soudaine de Richard. 
Elle ne sait pas ou ne veut pas savoir qu’il a été le compagnon de Kai. Ils ne parlent pas la même langue, aidés d’une interprète, vont essayer de communiquer dans le souvenir de celui qu’ils ont aimé.

Distribution

Ben Whishaw : Richard
CHENG Pei-pei : Junn
Andrew Leung : Kai
Naomi Christie : Vann
Peter Bowles : Alan
Morven Christie : Margaret

Générique

Durée : 1h26

Réalisateur : Hong Khaou
Scénario : Hong Khaou
Producteur : Dominic Buchanan

Image : Ula Pontikos
Montage : Mark Towns
Chef décorateur : Miren Maranon
Musique : Stuart Earl
Casting : Kharmel Cochrane
Producteur délégué : Donna Mabey
Costumes : Camille Benda
Maquillage : Annette Field
Directeur artistique : Augusta Akerman
Assistant réalisateur : Jon Midlane
Son : Pete Cowasji
Chargé de production : Hazel Falck

Autour du film

Article « À Voir À Lire » du 5 avril 2015 :

Présenté au festival Sundance 2014, où il a remporté le prix de la meilleure photographie, le drame Lilting est le premier long-métrage du réalisateur Hong Khaou, qui a également participé au scénario. Voulant dépeindre une situation où la communication et le langage seraient aussi bénéfiques que néfastes, il a pris comme point de départ l’histoire de sa propre mère, réfugiée cambodgienne en Angleterre, qui, trente ans après son arrivée, ne maîtrise toujours pas la langue anglaise. Que se passerait-il si elle perdait son seul lien avec l’extérieur, à savoir son fils ? Comment parviendrait-elle à suivre une conversation et à s’intégrer à un nouveau groupe d’amis ? En s’attardant sur un étrange trio composé d’une mère dépendante en maison de retraite, de son fils naturalisé et parfaitement intégré qui lui cache son homosexualité et son compagnon qu’il fait passer pour un simple colocataire, Hong Khaou signe surtout un film sensible, tout en délicatesse et parfaitement maîtrisé. L’exercice aurait pu pourtant s’avérer fort périlleux. En intégrant au scénario une traductrice, qui permet autant aux personnages de communiquer entre eux qu’au public de saisir toutes les nuances des conversations, le cinéaste a pris le risque de casser le rythme de scènes primordiales où chacun tente difficilement de se faire comprendre. Les délicates nuances de communication et de langage laissent alors place aux véritables objectifs du film, qui sont de dépeindre les rapports humains et familiaux mais aussi la transmission et les conflits de générations, surtout lorsque ces liens sont compliqués par une maîtrise différente de la langue.

Dans une atmosphère pesante où les scènes drôles et légères sont rares, le ton solennel qui imprègne tout le film ancre les personnages dans une réalité immédiate, malgré l’hommage revendiqué aux années 80, à travers les décors et la musique. La maison de retraite où vit Junn, interprétée par une Cheng Pei-Pei stupéfiante de maîtrise et de retenue, semble ainsi la cloisonner dans un décor à l’ancienne, sensé être rassurant pour les autres pensionnaires mais tout aussi rébarbatif pour elle, qui ne s’est jamais sentie chez elle en Angleterre. Les scènes d’extérieur et les autres décors ne font que renforcer son manque de maîtrise sur ce qui l’entoure. Face à cette figure maternelle impressionnante, le personnage de Richard tente de faire le lien entre les souvenirs de son compagnon décédé et ce fils que cette femme qui ne l’a jamais accepté croyait connaître. Ben Whishaw livre une partition parfaite et témoigne une nouvelle fois de la profondeur de son jeu. Comme dans Le parfum, il n’a pas forcément besoin de parler pour combler chaque scène de sa présence silencieuse et parcourir chaque détail avec un regard habité qui veut dire beaucoup de choses. Il se glisse avec talent dans la peau d’un jeune homme dévasté, dont le seul lien avec l’amour de sa vie est une femme qui le rejette. Alors que la communication, le respect des parents mais également l’accompagnement des personnes âgées et dépendantes sont les grands thèmes du long-métrage, l’homosexualité et la façon dont la famille l’accepte sont traitées avec beaucoup de pudeur à travers le portrait d’un jeune couple. Toute la maîtrise du cinéaste est là : parvenir, en trois scènes seulement, à dépeindre l’amour profond qui existe entre deux personnages, et qui va conditionner ici tout le reste du film.

Un tel long-métrage, tellement bien ficelé qu’il représente à lui seul une leçon de cinéma, mérite qu’un large public le découvre.