Jeune et innocent

Grande-Bretagne (1937)

Genre : Policier

Écriture cinématographique : Fiction

École et cinéma 2004-2005

Synopsis

Une femme est assassinée. Le jeune Robert Tisdall soupçonné est arrêté. Lors de son procès il s’échappe et décide de retrouver lui-même la preuve de son innocence : son imperméable volé. Erica, la fille du commissaire va l’aider, d’abord involontairement puis de plein gré. Après maintes péripéties les jeunes gens trouvent un allié en la personne d’un clochard qui décrit le supposé meurtrier comme atteint d’un tic qui le fait cligner des yeux. Au final nos héros identifient ainsi le coupable, batteur d’un orchestre de jazz, parmi les musiciens grimés en  » nègres « .

Distribution

D’entrée de jeu le ton de comédie est donné en inversant les rôles conventionnels : le jeune homme s’évanouit, la jeune fille le réanime d’une technique  » musclée  » qui s’applique  » aux boxeurs  » mis KO, dit-elle. Erica apparaît dès lors comme le vrai héros du film : sang froid, autorité, efficacité et  » moteur  » de l’action grâce à son tacot qu’elle démarre à la manivelle de la poigne indépendante d’une jeune fille moderne. Au fil des séquences apparaît une galerie de portraits secondaires, humoristiques et satiriques, de représentants des institutions policière, judiciaire, matrimoniale, et familiale. L’avocat inepte, le juge qui condamne à  » 6 mois de bonne conduite  » un mari violent, la tante inquisitoriale amateur de nains de jardin, les deux policiers froussards confrontés au petit chien d’Erica qui peut en remontrer à tous ces humains. Mais le ton reste bon enfant ; même l’assassin inspire plutôt la compassion.

Générique

Titre original : Young and innocent (Aux Etats-Unis : A Girl was Young)
Réalisateur : Alfred Hitchcock
Scénario : Charles Bennett et Alma Reville d’après le roman de josephin Tey A Shilling for candles
Image : Bernard Knowles
Décors: Alfred Junge
Montage: Charles Frend
Musique : Louis Levy
Produit par : Edward Black pour Gainsborough Gaumont British
Distribution en France: AFMD
Interprétation :
Robert Tisdall/ Derrick de Marney
Erica/ Nova Pilbeam
Le colonel Burgoyne/ Percy Marmont
Le vieux Will/ Edward Rigby
La tante/ Mary Clare
L’oncle Basil /Basil Radford
Kent/ John Longden
Guy/ George Curzon
Christine Clay/ Pamela Carme
Miller/ George Meritt
80 mn, Noir et Blanc

Autour du film

Comme maintes exégèses l’ont souligné, beaucoup de films d’Hitchcock prennent pour sujet le thème du  » faux coupable  » (cf ce titre français donné à The Wrong Man, 1957). Jeune et Innocent s’inscrit pleinement dans cette récurrence thématique de l’œuvre, avec toutefois une singularité révélée par son titre. Il s’agit moins ici du cas particulier d’un innocent traité en coupable que de l’apologie d’une qualité intrinsèque à l’âge.

Ainsi ce que ce film met en scène de bout en bout, c’est l’innocence comme apanage de la jeunesse. Attitude face à la vie telle que les deux jeunes héros nous la révèle ici : celle du triomphe de la sensibilité et du sentiment, mais aussi d’une légèreté et d’une fantaisie insouciantes et d’une détermination à aller jusqu’au bout que rien ne peut entraver. Un film aussi jeune que son titre par son esprit, par sa forme de course en avant déjouant tous les obstacles et toutes les conventions. Un film qui nous inspire le même regard que celui de l’oncle Basil d’Erica dans la longue et fort drôlatique scène du goûter d’anniversaire de la petite cousine. (scène définie par Hitchcock comme  » l’essence même du film  » alors qu’à sa sortie aux Etats-Unis, les distributeurs supprimèrent cette séquence jugée  » gratuite « ). C’est le regard d’un spectateur attendri, muet et complice, qui, contre les pièges indiscrets que tend aux deux jeunes héros la tante volubile et pesante, se fait leur allié et les rend ainsi à la poursuite de leur libre et romanesque aventure.
France Demarcy

Autres points de vue

Comme souvent chez Hitchcock, le film se construit sur un double scénario :le scénario de surface, anecdotique, qui est le scénario policier, ici celui du faux coupable, et le scénario de fond, qui commence à hanter Hitchcock, celui de la naissance de l’amour et de la séparation d’avec la loi parentale, nécessaire et angoissante. Le génie d’Hitchcock, tient à sa façon inimitable d’articuler les deux. La musique du générique, qui passe sans transition d’une musique de type  » dramatique  » à une musique sentimentale, annonce à la façon d’une ouverture d’opéra les deux  » couleurs  » qui vont être celles du film et qui correspondent à ces deux scénarios.
Le scénario de surface emprunte ici le grand schéma hitchcockien du  » faux coupable « , qui aura une très grande postérité dans son œuvre. […] Le scénario de fond (véritable sujet du film) est celui de la naissance de l’amour entre une jeune fille et un garçon inconnu à la (provisoire) mauvaise réputation.
Alain Bergala, Cahier de notes sur…Jeune et Innocent , école et cinéma, les enfants du deuxième siècle

Pistes de travail

Bien qu’il s’agisse d’une comédie, l’étude séquentielle du film offre quelques scènes purement dramatiques ou poétiques. Ainsi la première séquence oriente faussement le spectateur vers le sombre drame (thème, éclairages et décors). Puis viendra la chute de la voiture des fugitifs dans la mine dont le découpage intensifie le suspens (littéral puisque Erica y figure suspendue dans le vide entre la vie et la mort). Enfin deux moments de la longue scène du dénouement : son ouverture avec le célèbre long travelling aérien qui finit par débusquer en un gros plan d’insert la face noircie puis les yeux clignotants du coupable ; et son  » climax  » sur le crescendo de la déstabilisation psychologique (et arythmique) du personnage. Reste la beauté poétique du tête à tête des jeunes gens dans le vieux moulin, du sommeil d’enfant d’Erica au milieu des voies ferrées, de l’apparition romantique de Robert par la fenêtre de sa chambre.

Mise à jour: 17-06-04

Expériences

Jeune et Innocent se situe à la fin de la  » carrière anglaise  » du Maître, redécouverte tardivement. Réalisé entre Les 39 Marches et Une femme disparaît le film fait partie des comédies hitchcockiennes dans lesquelles l’atmosphère sentimentale et la veine humoristique et fantaisiste l’emportent sur le suspens criminel.

Mais dès les années 50 les jeunes critiques français (et futurs cinéastes de la nouvelle vague) qui admirent le cinéaste voient dans ce film  » une manière de film américain d’Hitchcock  » (cf : Hitchcock, de Chabrol et Rohmer, 1957) et le placent dans le  » peloton de tête  » des films de la période anglaise. Après l’échec de Secret Agent (1936) et la sombre cruauté de Sabotage (1937), le charme, la fraîcheur de ton de Jeune et innocent lui valurent un très grand succès mérité. Hitchcock y déploie déjà son art du studio (sens et science du décors et des éclairages) et la virtuosité technique (prises de vue, montage) qui ont fait sa réputation et décidèrent David O.Selznick à l’attirer à Hollywood.

Outils

Bibliographie

Hitchcock/Truffaut, Ed. Ramsay, 1985.
La vraie vie d'Alfred Hitchcock, Donald Spoto, Ramsay Poche Cinéma n° 116, 1994.
Hitchcock, Eric Rohmer, Claude Chabrol, coll. Les Introuvables, Editions d'aujourd'hui, 1976.
Hitchcock, Jean Douchet, L'Herne, 1985.

Vidéographie

La mort aux trousses. Distribution ADAV n° 1 116 (VF)
Les 39 marches. Distribution ADAV n° 5 496 (VF) et n° 2 543 (VO)
Vertigo. Distribution ADAV n° 247 (VF) et n° 3 383 (VO)

Films

Hitchcock et la Nouvelle Vague de Jean-Jacques Bernard
Bernard Herrmann
de Joshua Waletzky
Histoire du film-annonce
de Moïse Maatouk