Goshu le violoncelliste

Japon (1981)

Genre : Récit initiatique

Écriture cinématographique : Film d'animation

Archives EEC, École et cinéma 2004-2005

Synopsis

Goshu est violoncelliste au sein de l’orchestre qui accompagne les projections de cinéma dans une petite bourgade de province du Japon d’avant-guerre. Le jeune homme subit les foudres du chef d’orchestre en raison de sa maladresse et de l’inexpressivité de son jeu musical. Dix jours seulement séparent la formation d’un important concert, au cours duquel sera donnée la “ 6ème Symphonie ”… Entamant avec détermination des répétitions nocturnes en solitaire, Goshu va recevoir la visite successive de divers petits animaux – un chat, un coucou, un petit tanuki et un souriceau-, qui tour à tour vont lui prodiguer leurs conseils ou lui demander son aide.

Distribution

Goshu le violoncelliste

Personnage peu sympathique dans un premier temps, son évolution au cours du film est intéressante. Il apparaît tout d’abord comme un musicien maladroit qui ralentit le travail de l’orchestre dans lequel il joue et s’attire, de ce fait, les foudres de son professeur et de ses camarades. Ses rencontres nocturnes vont peu à peu modifier sa vision de la musique classique. D’une attitude rigide et obstinée, il va évoluer vers une appréhension de la musique plus poétique. Les animaux lui donnent les clés d’un langage magique qu’il va déchiffrer, étape par étape, le dirigeant vers l’éclosion magnifique d’une véritable vocation artistique. Toutes ces rencontres sont des rites de passage qui traduisent un changement d’état : de l’adolescence, Goshu franchit le cap de l’âge adulte. À la fin du film, c’est un homme épanoui qui, sur scène, accomplit une véritable prouesse artistique.

Ludwig van Beethoven

Le célèbre compositeur allemand (1770-1827) est présent dans le film sous une forme artistique puisque sa musique est présente en permanence, mais aussi sous une forme physique par l’intermédiaire d’un portrait qui figure dans la chambre de l’apprenti violoncelliste. C’est sous l’œil sévère de son maître que le jeune Goshu tente, chaque nuit, d’exercer avec labeur son art. Ce portrait représente un visage redoutable, colérique comme si le compositeur perdait patience devant l’incompétence de Goshu. La présence de Beethoven dans la chambre de Goshu représente l’autorité et l’institution, l’apprentissage académique dans la sueur et la douleur. Beethoven fut lui-même le bénéficiaire d’une éducation musicale très stricte menée avec sévérité par son père, exploitant ses talents musicaux pour en faire un prodige tel Mozart.

Par ailleurs, ce portrait fait écho à un autre personnage du film : le chef d’orchestre qui dispense un enseignement austère et dénué de poésie, peu adapté à la personnalité de Goshu.

Les animaux

Des animaux rendent visite à Goshu pendant ses longues séances d’entraînement nocturne : un chat, puis un coucou, un petit tanuki, et enfin une maman souris et son bébé. Ces personnages, même s’ils revêtent des formes animales différentes, présentent des caractéristiques identiques et bénéficient de la même fonction romanesque. Ce sont des éléments perturbateurs qui interrompent le cours de l’histoire pour aider Goshu à apprendre à jouer. Leurs interventions énervent le jeune violoncelliste qui les rejette parfois violemment. Ces différents petits animaux et l’expérience qu’ils apportent à l’apprenti musicien symbolisent un apprentissage poétique, presque magique, à l’opposition de l’enseignement rigoureux et académique proféré par le professeur de musique.

Générique

Titre original : Sero-hiki no Gôshu
Réalisation, scénario : Isao Takahata d’après l’œuvre de Kenji Miyazawa
Création des personnages : Toshitsugu Saida
Intervalles : Sumie Nishido, Mariko Nomura, Mariko Tsukada, Yôko Tomizawa, Takashi Namiki, Taeko Otsuka, Yuka Hôya, Junko Saida, Ryôko Kishimoto
Gouachage : Masao Yoshiyama, Studio Robin
Compositions musicales originales : Kenji Miyazawa (Chant du tour des étoiles), Michio Mamiya (la Chasse au tigre en Inde, le Joyeux cocher, etc…).
Citations musicale : Ludwig van Beethoven (sixième symphonie dite La Pastorale), Jacques Offenbach (extrait de La Vie parisienne), chant traditionnel japonais
Son : Yasuo Uragami
Image : Toshiaki Okazeri
Montage : Keiko Sugiyama
Production, réalisation : Ô Production. avec Kôichi Murata
Planification : Kazuo Komatsubara, Kôshin Yonekawa
Graphie du titre : Seiroku Miyazawa
Distribution : Films du Paradoxe
Durée : 1 h 03
Voix des personnages dans la version originale
Hideki Sasaki (Goshu)
Masashi Amenomori (le chef d’orchestre)
Fuyumi Shiraishi (le chat)
Kaneta Kimotsuki (le coucou)
Kazue Takahashi (le petit tanuki)
Akiko Takamura (la maman souris)
Keiko Yokozawa (la jeune violoniste)
Ryûji Saikachi (le responsable du concert)
Junji Chiba (le 1er violoncelle)
Kôji Yada (le présentateur)

Autour du film

De l’apprentissage : un “ film sur la jeunesse ”

Le récit Goshu le violoncelliste n’est pas, initialement, l’histoire d’un jeune homme inexpérimenté. Le personnage imaginé par Miyazawa est un homme d’âge mûr, un musicien professionnel au jeu musical sans âme, dénué de tout talent d’expression. Tout en se présentant sous la forme et l’étiquette d’un “ récit pour enfants ” (dôwa), le texte originel repose donc sur l’impact produit par la métamorphose soudaine d’un musicien dans la force de l’âge, de “ bon à rien ” de carrière en virtuose.

Or, dans l’adaptation qu’en livre Takahata, Goshu le violoncelliste prend le tour d’un film sur la jeunesse, l’apprentissage et la découverte de soi grâce aux autres, qui conjugue en une union singulière les univers du conte, de la musique classique et du cinéma d’animation. Ce choix fondamental de rajeunir le personnage principal, au point d’en faire un jeune homme à peine sorti de l’adolescence, était pour Takahata et son équipe une nécessité impérieuse.

Cette vision du récit, ce choix directeur adopté d’un commun accord reposent sur deux raisons : la recherche d’une cohérence, d’une forme de vraisemblance sur le fond, et le souhait, partagé par les membres de l’équipe, d’une projection collective de leurs propres souvenirs de jeunesse. Ainsi par exemple, aux yeux de Takahata et de ses collègues, les progrès fulgurants qu’accomplit le violoncelliste ressortissent d’abord, et par nature, au temps de la jeunesse… Constat de bon sens : c’est à cet âge de la vie que de tels exploits se produisent, que l’on franchit aussi aisément autant d’obstacles, pour réaliser un parcours aussi rapide… Et ce personnage principal ainsi confronté à sa médiocrité, subissant les reproches du chef d’orchestre, désespéré quant à son propre talent et ayant perdu toute confiance en lui, acquiert réellement, du fait de sa jeunesse, un impact neuf : un pouvoir d’identification large, susceptible de toucher le public, quel que soit son âge… La formation du violoncelliste prend ainsi un tour allégorique d’une autre portée : au miracle libérateur, révélateur, issu d’actes de communion avec la nature, vient s’ajouter ici une dimension pédagogique, initiatique, à l’intérieur de l’histoire du film comme dans le projet qui sous-tend sa réalisation.
Extrait du Point de vue du Cahier de notes sur… Gauche le violoncelliste écrit par IIlan Nguyên et Xavier Kawa-Topot, édité par Les enfants de cinéma

La période concomitante aux fêtes de fins d’année permet aussi, entre deux sorties pharaoniques de productions Disney, de voir surgir de limbes quelques programmes pour enfants, souvent anciens et oubliés. Certains sont loin d’êtres dénués d’intérêt, comme ce long métrage d’Isao Takahata, auteur du Tombeau des lucioles (1989) ou de Mes voisins les Yamada (1994), distribué cette année à peine en France. Formé notamment à l’école du studio Ghibli où travaille également le grand Hayao Miyazaki ( Mon voisin Totoro, Princesse Mononoke ), Isao Takahata connaît les différentes étapes de la création du Manga est s’est illustré dans des domaines aussi surprenant que finalement bien familiers de notre paysage audiovisuel ( Bouba, le petit ourson et Heidi dans sa version en dessin animé des années 1970, c’était lui).

Goshu le violoncelliste est un inédit daté de 1980 et il surprendra forcément ceux qui ne connaissent de Takahata que le superbement élaboré et tragique Tombeau des lucioles . Ici, l’animation est encore bien rudimentaire, plus proche des productions télévisées précitées. Néanmoins, et comme ce fut le cas dans le Tombeau des lucioles , Takahata sait fait preuve d’étrangeté et même d’une certaine dureté dans les moments les moins attendus, comme cette séquence ou Goshu sadise au son crissant et insoutenable de son violoncelle un petit animal venu moquer quelques peu son jeu chaotique. L’ascétisme dans lequel se confine le jeu musicien, face à face avec un portrait menaçant de Ludwig van Beethoven est à ce titre plus qu’inquiétant (mais il ne faut pas oublier la propension du graphisme nippon à déformer les visages, ceci en rapport avec les masques du théâtre kabuki). Tout en jouant pleinement la carte du bestiaire adorable et chéri des enfants grâce aux animaux mélomanes qui prodiguent des conseils à Goshu, Takahata ne nous épargne rien des tourments violents du musicien inquiet de sa réussite. Ou comment questionner le monde des adultes en employant l’imaginaire enfantin, et inversement. Goshu le violoncelliste est une petite perle.
Julien Welter, archives de TV Arte, du 5/12/00.

Vidéos

Faux mouvement

Catégorie :

par Ilan Nguyên

Pistes de travail

  • La musique
    Récit d’une initiation, d’un éveil “ à ” et “ par ” la musique, Goshu le violoncelliste est construit autour d’un jeu permanent sur le statut de cette dernière : musique de fosse et musique d’écran. La musique d’écran est celle clairement entendue comme émanant d’une source présente ou suggérée à l’image (par exemple les scènes de répétitions d’orchestre). La musique de fosse est celle ajoutée au film pour instaurer une ambiance, un climat, ou pour soutenir une intensité dramatique (paysages d’une campagne bucolique, déchaînements des éléments météorologiques…). Tout au long du film, le passage d’un registre à l’autre instaure une correspondance entre l’interprétation musicale et la nature.
  • L’eau
    La surface d’un étang, l’orage, la rivière, le pont, le moulin à eau, la rosée, le seau dans la maison de Goshu… : on pourrait repérer l’ensemble des signes visuels et sonores qui renvoient à l’élément “ eau ” dans le film. Mais plus encore, ce sont les décors peints par Mukuo Takamura qui rendent l’impression d’une présence diffuse mais constante, de l’eau dans les paysages et la lumière elle-même. Pour ce faire, Mukuo a peint selon les souhaits du réalisateur, au lavis et à l’aquarelle dans des nuances fines et avec une densité de couleur très faible suivant un procédé de superposition mis au point sur ce film.
    L’eau est un élément essentiel de la poétique de Takahata. Réalisateur d’un film documentaire en images réelles sur le canal de la Yanagawa au Japon, Takahata manifeste un attachement particulier pour certaines œuvres telles que La Cathédrale engloutie de Claude Debussy, ou La Seine a rencontré Paris de Joris Ivens, sur un poème de Jacques Prévert.Fiche mise à jour le 9 novembre 2004
    Fiche réalisée par Delphine Lizot

Pistes pédagogiques ailleurs sur le web :
(liste non exhaustive)

Les Films du Paradoxe
Réseau rural d’éducation embrunais savinois
Dossier sur le film
Les Grignoux
Cinégamin
Ecole et Cinéma en Gironde
Ecole et Cinéma 77
Ecole et Cinéma 77 (2)
Académie de l’Yonne
Arts et culture en Haute-Garonne
Ecole et cinéma en Creuse
Inspection académique de Caen
Association Plan-Séquence

Mise à jour : 20.05.08

Expériences

Miyazawa Kenji et l’œuvre originale

Goshu le violoncelliste est l’adaptation d’un conte de Miyazawa Kenji (1896-1933), un auteur célèbre dans son pays pour ses dôwa (histoires pour enfants).

Conteur et poète, Miyazawa est né et a vécu à Hanamaki, dans la région aride d’Iwate, au nord de l’archipel japonais. Ingénieur agronome, il consacre sa vie à l’amélioration des conditions de vie des paysans. Instruit dans la tradition bouddhique, il porte sur le monde un regard épris d’absolu. Fervent moderniste, il se passionne pour la science, les religions, la musique. C’est un génie solitaire, complexé, incompris, qui projette notamment dans ses écrits sa vision d’une communion avec la nature, en un lyrisme singulier.

À sa mort, il laisse parmi ses écrits une centaine de contes, tout en n’ayant guère publié de son vivant qu’un recueil de poésie et un recueil de contes. Découvert par le public après sa mort, il est rapidement reconnu comme un écrivain majeur et son œuvre, désormais classique, est aujourd’hui l’une des plus lues, et des plus largement appréciées dans son pays.

Ses récits se chargent, par touches légères, d’une magie que rien ne peut réduire ni agencer au cadre de la progression d’une histoire. Même si Miyazawa joue, à la façon d’Andersen, des interpolations entre ses rêves et des trames plus traditionnelles, s’appropriant parfois certains mythes populaires, tout tourne autour du mystère de la perception. Êtres et objets se parlent : les bois, les animaux, les rochers, et même les poteaux télégraphiques ou les signaux lumineux des voies ferrées… Cette veine singulière qui court à travers l’œuvre de Miyazawa tout entière, comme l’eau d’un torrent de montagne, traverse, sous forme de citations, l’œuvre de Takahata Isao, depuis Les Aventures de Hols, prince du soleil (1968) jusqu’à Pompoko (1994).

Pour Takahata, la rencontre avec l’œuvre de Miyazawa remonte à l’enfance, et ses récits comptent parmi les plus importants dans son itinéraire personnel. Mais c’est seulement avec Goshu le violoncelliste , en 1981, que Takahata se risque à l’adaptation : le rêve de jeunesse d’une “ transposition cinématographique ” lui aura longtemps semblé hors d’atteinte, du fait même de la nature par essence polysémique, insaisissable – car ouverte à la représentation personnelle de chacun – de l’écriture de Miyazawa. L’aventure lui apparaît envisageable sur ce récit précis, du fait de sa structure plus linéaire et consistante que bien d’autres contes de Miyazawa.

Outils

Bibliographie

Train de nuit dans la Voie Lactée, Paris, Intertextes, coll. Lettres du Monde, 1989 (traduction Hélène Morita).
Le Train de la Voie Lactée, Paris, Critérion, 1990 (traduction de François Lecœur).
La lettre volante : quatre essais sur le cinéma d’animation Hervé Joubert-Laurencin, éditions Presses de la Sorbonne nouvelle, 1997.
Lire Miyazawa Kenji en français, Tôkyô, Hakusuisha, 1995.

L’univers de Miyazawa Kenji à l’écran , Tôkyô, Kinema Junpô, 1996.
Dictionnaire de littérature japonaise, Paris, PUF, coll Quadrige,2000.
Le cousin d’Andersen, article de René de Ceccatty in Le monde des livres , 7 février 1997.

Dictionnaire Beethoven , (1991) – Barry Cooper – Traduit par Dennis Collins Editions J.C. Lattès.
Beethoven : légendes et vérités - Edmond Buchet – Editions Buchet/Chastel.

dossier de presse de Goshu le violoncelliste , (Films du Paradoxe).
dossier pédagogique réalisé par le Forum des images à l’occasion du 2ème festival Nouvelles images du Japon, films d’animation et cinéma numérique du 15 au 23 décembre 2001.

DVD

Goshu le violoncelliste (DVD pour la classe). ADAV Distribution Réf 35978. site de l’ADAV