Veuves de quinze ans (Les)

France (1966)

Genre : Fiction-documentaire

Écriture cinématographique : Court-métrage

Lycéens et apprentis au cinéma 2016-2017

Synopsis

Les veuves de quinze ans est un segment de La fleur de l’âge coréalisé avec Michel Brault, Hiroshi Teshigahara et Gian Vittorio Baldi.

Les veuves de quinze ans dessine la vie au jour le jour de deux jeunes filles du 16ème arrondissement qui, entre la famille et les copains, cherchent le bonheur et l’amour. Présenté comme un essai sur les adolescentes de Paris, ce film stigmatise l’insouciance et la futilité de la jeunesse bourgeoise des années 60.

Distribution

Marie-France de Chabaneix : Marie-France
Véronique Duval : Véronique
Nadine Ballot : Nadine
Marc Kalinoski : Marc
Michel Aracheguesne : Michel
Maurice Pialat : Maurice
Didier Léon : Didier
Gilles Quéant : Gilles

Générique

Réalisateur : Jean Rouch
Producteur : Pierre Braunberger
Ingénieur du son : Michel Fano
Monteur : Claudine Bouché

Autour du film

La fleur de l’âge (ou les Adolescentes) est un film à épisodes de coproduction internationale quadripartite (Canada, France, Italie et Japon) présentant des adolescentes choisies parmi les plus représentatives de leur pays et leur temps, en Italie, en France, au Japon et au Canada. Le film est projeté hors-compétition pour des raisons de censure, au Festival de Venise de 1964. Il sort aux États-Unis en avril 1967 dans une version tronquée mais n’a jamais été distribué en France. L’épisode français, par Jean Rouch, sort en salle à Paris pour la première fois au printemps 1967 sous le titre Les veuves de 15 ans. Les épisodes canadien, italien et japonais, réalisés respectivement par Michel Brault, Gian Vittorio Baldi et Hiroshi Teshigahara, n’ont jamais été montrés en France.

Chronique d’un été 1964

Sur la ballade des deux jeunes filles dans Paris au sortir du Lycée Jean Rouch déclare : « Les commerçants avisés vendent aujourd’hui très cher la jeunesse à la jeunesse. Une idole de moins de vingt ans gagne en un mois ce que ses parents ne gagnent pas dans toute leur vie. L’âge de la puberté a avancé de deux ans depuis la guerre (Congrès de pédiatrie Lisbonne 1963). Les expériences sexuelles sont banales pour les jeunes filles : 41% le font pour s’affranchir, 24 % par curiosité 15 % par sport, 11 % par amour.

De cette soumission de jeunesse à la société de consommation, fut-elle yéyé, Rouch fait le sujet de son film. Il recourt à la violence misogynie de Baudelaire que lit Marie France et qui agit sur elle non comme une vérité : « La femme est naturelle c’est à dire abominable. Elle veut être foutue, elle est en rut aussi est-elle toujours vulgaire, c’est à dire le contraire du dandy », mais comme une arme contre ceux qui ne voient pas qu’il s’agit de lutter pour vivre de belle manière.

Détresse, désespoir et risque du bonheur

À l’origine de ce projet, inspiré par L’amour à vingt ans (1962), il y eut une rencontre entre producteurs, lors du Festival International du Film à Montréal en juillet 1963, orchestrée par l’Office National du Film du Canada (ONF) qui avait ouvert des bureaux en 1962 à Paris et allait fêter l’année suivante son vingt-cinquième anniversaire. Pierre Juneau représentait l’ONF, Pierre Braunberger la France (Les Films de la Pléiade), Gian Vittorio Baldi l’Italie (IDI Cinematographica) et Shigeru Wakatsuki le Japon (Ninjin Club). Les producteurs s’accordèrent pour mettre ensemble quatre épisodes offrant chacun une image d’une adolescente « typique » de leur pays. L’ONF fut choisi comme producteur délégué et le financement du projet allait mêler fonds publics et privés. Quelques mois plus tard, en novembre 1963, une convention était signée entre les quatre producteurs

Méthode de tournage

Le film se déroule indépendamment du temps et du lieu, mais en fonction stricte de l’histoire. Il sera tourné dans l’ordre des séquences (sauf quelques plans de raccord avec ou sans les personnages). Les acteurs connaîtront parfaitement le scénario et les ébauches de dialogue indiquées dans le projet de découpage, mais une très large part sera faite à l’improvisation. Néanmoins pour faciliter le montage la caméra changera d’angle à chaque phrase. Les acteurs auront toute liberté de mouvement et d’action (sauf dans certaines scènes très précises). La méthode du micro-cravate et éventuellement du micro émetteur sera largement employée. Ce sera une nouvelle tentative de mise au service du film de fiction des techniques du « cinéma-vérité ». Un « témoin » (sans doute un sociologue africain = Landry) fera de temps à autre les problèmes, tire certaines conclusions et éventuellement quelques ficelles. Ce « témoin » apparaîtra dans certaines scènes, mais sera invisible aux principaux acteurs, il parlera soit par « voix off » soit par sous-titres, soit par les deux (comme dans Moi, un Noir). Tout ceci exige une parfaite connaissance du scénario (acteurs et techniciens) et d’autre part une technique de tournage absolument libre, faisant appel aux très grands angulaires et aux très longs télé (comme dans Rose et Landry21) aux grands mouvements d’appareil à la main, à la très grande discrétion de tournage, personne (sauf les acteurs et les techniciens) ne doit savoir que l’on tourne. En particulier on évitera tout maquillage et tout éclairage artificiel.

Le début de la censure

Le tournage de l’épisode de Rouch débute le 5 juin, sans autorisation. Le montage est terminé le 8 juillet. Braunberger informe aussitôt le CNC qu’il est impossible de soumettre le film complet avant la fin du mois et demande une autorisation spéciale pour l’exportation temporaire de l’épisode français, « sa projection à la Commission du Festival de Venise et éventuellement au Festival « . Mi-juillet il dépose le dossier au CNC et « espère obtenir l’autorisation de tournage qui permettra d’obtenir de la Commission de Censure l’exportation provisoire ». Le CNC exprime son mécontentement : « le sketch a été réalisé sans les autorisations réglementaires ». La censure tombe le 28

Messieurs, Par lettre en date du 9 juillet 1964, vous avez bien voulu me demander l’autorisation d’exporter le sketch français du film de co-production quadripartite (Canado-Franco-Italo-Japonaise), intitulé provisoirement : les Veuves de quinze ans. J’ai l’honneur de vous faire connaître que la Commission des Films Cinématographiques, après avoir examiné ce sketch le 20 juillet en sous-commission et le 22 en séance plénière, a émis un avis défavorable à son exportation. Cette proposition d’interdiction est motivée « en raison de l’image donnée par le film d’une jeunesse parfaitement immorale, ainsi que de la grossièreté du dialogue ». Me rangeant à l’avis exprimé par la Commission, j’ai décidé d’interdire totalement l’exportation du film précité. Je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de mes sentiments distingués. A. Peyrefitte

Rouch se remet aussitôt au travail, déplacement au Ministère de l’Information, propositions de coupes et de modifications des dialogue s:

Véronique : Quelles connasses ! M.F. : Des super connasses. (Véronique : Quelles andouilles ! M.F. : Des super-andouilles); M.F. se retournant : Tiens, voilà tes deux petits cons !(M.F. : Tiens, voilà tes deux petits potes !) ; Véronique : Il n’y a qu’à voir comment vous êtes tous les parents. La famille c’était bon pour la vie d’avant, maintenant c’est une formalité administrative. (Véronique : Il n’y a qu’à voir comment vous êtes tous les parents.) M.F. : Tu aimes faire l’amour ? Véronique : Une fois cela a été extraordinaire… mais je ne me souviens plus avec qui… M.F. Tu sais au moins comment faire pour ne pas attraper d’enfant ? Véronique : Tu sais aujourd’hui une fille de 17 ans doit savoir se faire avorter comme elle va chez le coiffeur M.F. : Ne dis pas de conneries Véronique (M.F. : Tu aimes l’aventure ? Véronique : Une fois cela a été extraordinaire, mais je ne me souviens plus avec qui. M.F. : Et si tu as des enfants ? pas de réponse de Véronique M.F. : Ne dis pas de bêtises, Véronique)

Un accord est conclu mais seulement pour une projection à l’exportation temporaire.

Nous vous confirmons que l’autorisation exceptionnelle que vous voulez bien nous donner, est strictement réservée à l’exportation temporaire d’une copie positive de ce sketch et à sa présentation au Festival de Venise. Il est entendu que la décision définitive de la Censure et du Ministère, reste, en ce qui concerne l’exportation et l’exploitation de ce film, totalement réservée. En vous remerciant de ce que vous avez bien voulu faire pour ce film nous vous prions de croire, Monsieur, à notre haute considération.

Le film ne peut, en raison de la censure de l’épisode français être présenté comme coproduction. Braunberger n’est pas partisan de le montrer dans ces conditions. Il explique que compte tenu des difficultés avec la censure sa présence à Venise n’est pas souhaitée. Le film complet est projeté au cinéma Excelsior, le 31 août. le film est finalement interdit aux moins de 18 ans.

Messieurs, Par lettre en date du 15 décembre 1964, vous avez bien voulu me demander le visa d’exploitation et l’autorisation d’exportation en faveur du film de long métrage les Adolescentes. J’ai l’honneur de vous faire connaître que la Commission de Contrôle des films cinématographiques, après avoir examiné cette production dans sa séance plénière du 5 janvier 1965, a émis un avis favorable à son exploitation et à son exportation, sous réserve : d’interdiction aux mineurs de moins de 18 ans. Cette proposition d’interdiction est motivée « en raison de la détresse et du désespoir qui se dégagent de deux au moins des quatre sketches qui composent ce film ». Me rangeant à l’avis exprimé par la Commission, j’ai décidé de vous accorder le visa et l’autorisation sollicités, avec la restriction demandée. Ces pièces vous seront délivrées par le Directeur Général du CNC, dès que vous aurez accompli les formalités exigées par les règlements (versement de la taxe de sortie et, pour les films étrangers : licence d’importation, certificat d’origine, etc…). Je vous prie d’agréer, Messieurs, l’expression de mes sentiments distingués. Le Ministre de l’Information

Il n’existe pas en France de copie du film la Fleur de l’âge, tel qu’il aurait été monté et tel qu’il serait conservé à l’ONF, mais les Films du Jeudi possèdent, en plus du sketch les Veuves de quinze ans, exploité de façon autonome, les épisodes italien et canadien « accrochés » dans cet ordre à un générique de début ainsi que l’épisode japonais, séparément.

Source : Revue de l’Association française de recherche sur l’histoire du cinéma (AFRHC) http://1895.revues.org/318

Extrait (Véronique et le photographe)
https://vimeo.com/129198869

Vidéos

Du général au particulier

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Dans l’ouverture des Veuves de quinze ans, Jean Rouch expose d’emblée son sujet – la jeunesse du début des années 60 – mais dévie progressivement de son approche sociologique initiale pour s’inté-resser à deux cas particuliers, deux jeunes filles apparemment banales. Le passage de la rue à la chambre lui permet d’entrer dans la fiction et d’interroger la vérité de l’intérieur, en donnant à la jeunesse un visage plus intime et singulier.

Le goût de l’amateurisme – Entretien avec Jacques Kermabon

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Jacques Kermabon, rédacteur en chef de la revue Bref consacrée aux courts métrages, revient sur la place occupée par la Nouvelle Vague dans l’histoire du court métrage. Il pointe aussi les dénomina-teurs communs des films du programme : malgré leurs différences, ils affichent un même goût de l’amateurisme et portent une attention particulière au désir féminin.

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