Salam

France (1999)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Court-métrage

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2000-2001

Synopsis

Sous les yeux d’Ali et Mohamed, deux sexagénaires d’origine marocaine, un cercueil est embarqué dans un avion qui s’envole pour le Maroc. Le défunt était un de leurs amis. Si Mohamed, qui élève seul sa fille, travaille encore sur un chantier, Ali doit, pour sa part, quitter bientôt le foyer dans lequel il vit. Il refuse la proposition qu’on lui fait de s’inscrire dans une maison de retraite et, décidé à finir ses jours au Maroc, considère qu’il n’a plus rien à faire en France. Diversement accueillie au sein d’un foyer dans lequel la vie de tous les jours continue à suivre son cours, avec son cortège de disputes et de moments complices, la décision d’Ali le force à quitter ceux qui l’aiment.

Générique

Programme Courts métrages Lycéens

Scénario et réalisation Souad El Bouhati
Image Olivier Chambon
Son Eric Rophe
Montage Josyane Zardoya
Interprétation Benaissa Ahaouari, Mohamed Damraoui, Fela Zellag, Yao Konan, Daniel Isoppo
Production Movimento production
Film 35 mm, couleur
Durée 28 minutes

Autour du film

L’exil et le retour

Salam prend le contre-pied de nombreux films sur l’immigration en déplaçant l’enjeu dramatique traditionnel (l’intégration plus ou moins forcée des immigrés et les difficultés de la vie en France, autant de thèmes généralement rabâchés dans les films sur ce sujet) vers la question, souvent occultée, de l’origine et de la nostalgie. Car Ali, le héros de Salam, appartient à la première génération de l’immigration nord africaine. Il vit en France depuis quarante ans et choisit, presque au terme de sa vie, de revoir ce pays vers lequel ses souvenirs lui commandent de retourner. Pour Ali, cette décision de repartir au Maroc avant de mourir est aussi un deuxième départ, un nouvel exil dans une vie déjà marquée par le déracinement et par le mensonge d’une société qui se déclarait prête à l’accueillir et qui n’a su lui proposer qu’une petite chambre dans un foyer et une flopée d’emplois qu’on devine souvent précaires (cette situation perdurant dans le présent quand, sous les yeux d’un Ali circonspect, un jeune homme déboule dans le foyer ravi d’avoir obtenu un dérisoire contrat de six semaines).
Salam est en ce sens un film sur le deuil. En partant, Ali emprunte un chemin qui, aux yeux de ses proches, le rapproche en fait de la mort. Déjà placé en marge de la communauté et du foyer (Ali a en effet quitté le rang des actifs), sa décision de partir finit de l’éloigner des autres. Cette menace discrète pesant sur la vie de cet homme que l’on sent affaibli explique l’émotion poignante véhiculée par la scène des adieux à Mohamed, son meilleur ami. Trop vieux pour recommencer une nouvelle vie, on perçoit ce moment comme la fin d’un cycle, et l’on peut penser que plus ou moins consciemment, Ali choisit de repartir là où il est né pour y mourir.

Ce parti pris procure à Salam une valeur universelle. Plus qu’un film social, c’est un film sur l’exil, un court métrage qui va s’attacher à détailler les étapes d’un départ et où l’émotion provient non pas des problèmes rencontrés par un personnage principal ou par l’irruption d’un éventuel antagoniste mais de sa décision, de ses propres choix.
Souad El Bouhati prend donc le temps de nous montrer Ali partir, certains gestes tenant ici nettement du rituel. Quand il arpente les couloirs du foyer, c’est certainement avec à l’esprit le souvenir des années passées dans ce lieu, quand il se met à danser avec les autres travailleurs, c’est comme un chant du cygne, sans doute la dernière fois qu’il s’amuse avec eux. Des moments anodins dans le film (lorsqu’Ali accompagne son ami africain jusqu’à l’église par exemple) se teintent d’une émotion particulière parce qu’ils sont très nettement une “ dernière fois ”. Cette part de rituel d’adieux est essentiellement assumée par la fille de Mohamed, quand elle propose à Ali de choisir en guise de souvenir une paire de chaussures. Ce don est ici particulièrement symbolique car chaque année, depuis sa naissance, Ali lui en offrait une paire. Belle idée visuelle balisant les années de sa présence en France, celles-ci sont exposées sur un fil dans la chambre de la jeune fille. Elles offrent une illustration émouvante du temps qui a passé et des liens que le départ d’Ali va dénouer.
Peu importe donc si, à la fin, le film de Souad El Bouhati n’apporte pas de réponse définitive : son intérêt est au fond d’aborder un thème universel et d’offrir une représentation digne et dénuée de tout pittoresque condescendant à des hommes ordinaires dont certains prétendent qu’ils seraient différents parce que nés de l’autre côté de la Méditerranée.

Texte de Stéphane Kahn
© Bibliothèque du Film

Pistes de travail

Entretien avec Souad El Bouhati
Comment s’est déroulée votre première expérience de direction d’acteurs ?
Le casting a été la grosse difficulté, car il y a très peu de comédiens arabes. Ceux de cet âge sont surtout issus du théâtre. On est allé dans les bars, on a passé des annonces sur des radios. J’ai rencontré plein de vieux, tous voulaient jouer Ali. Mais j’avais repéré Benaissa Ahaouari dans Bye Bye de Karim Dridi. Ce n’est pas un comédien, c’est un ouvrier qui a travaillé sur les chantiers et qui habite dans les quartiers nords de Marseille. Lui et Mohamed Damraoui étaient très heureux de jouer dans Salam ; ils disaient que c’était digne. Je n’étais pas préparée à diriger les comédiens. Une fois qu’on a l’argent, tout va très vite. Je comptais beaucoup sur l’expérience des professionnels.

Y a-t-il eu des répétitions ?
Peu. J’étais accaparée par la relation d’amitié entre Momo et Ali. Ils venaient à Paris, on répétait avec une petite caméra. Je leur ai donné les grandes lignes du texte en arabe et ils l’ont joué d’emblée. Pendant ces répétitions, Mohamed s’est même effondré parce ce que ça lui rappelait un ami décédé. Benaissa a gardé le costume pendant tout le tournage. Il s’est vraiment passé quelque chose quand Ali et Momo se séparent. Quand j’ai vu les rushes, je me demandais si ça allait marcher, si j’avais bien fait de les montrer en train de pleurer.

N’avez-vous jamais pensé faire du départ d’Ali un élément de suspense ?
Ali est seul et a envie de partir en beauté, de revoir une dernière fois son pays même s’il n’est pas dupe. C’est aussi une question d’odeurs, de sensations. La fin est ouverte mais il va vers la mort. C’est une fin de vie.

Avez-vous été confrontée directement aux situations décrites dans Salam ?
La première fois que j’ai vu un cercueil métallique c’était à la mort d’un copain marocain. Il avait passé quatre ou cinq ans en France. On s’est retrouvé à prendre en charge ce retour parce que la famille, là-bas, voulait récupérer le corps. C’est alors que j’ai appris l’existence de cercueils plombés pour des raisons sanitaires. Certains ont des fenêtres pour que les gens au pays puissent voir une dernière fois le visage des défunts. C’est fou de penser qu’il y a des cercueils volants. Tous les jours, vers l’Afrique, vers l’Amérique, il y a des cercueils qui circulent.

Que pensez-vous de la représentation des immigrés dans le cinéma français ?
Je suis toujours choquée par les amalgames qui sont faits entre les Arabes et la délinquance, la drogue, le terrorisme, l’échec scolaire ou les enfants battus. C’est pour ça que je suis contente que ce film ait touché. J’avais envie de montrer des Arabes ordinaires, ni héros, ni victimes. Je voulais filmer des hommes, tout simplement. C’est une histoire sur l’exil. Ça concerne beaucoup de gens.

Quels sont vos projets ?
Je travaille sur un long métrage, un projet que j’avais avant Salam, encore autour de l’immigration. Quitte à m’embarquer dans une histoire, j’ai l’impression qu’il faut déployer une énergie telle que je préfère travailler sur un long. Et je ne peux pas la condenser sur un format court. Mais rien n’est acquis, il y a des gens qui ne font qu’un seul film.

Mise à jour : 16-06-04

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