Contes de la lune vague après la pluie (Les)

Japon (1953)

Genre : Drame

Écriture cinématographique : Fiction

Enseignement obligatoire 2000-2001

Synopsis

Dans le Japon du seizième siècle, deux paysans abandonnent leur village détruit par la guerre civile, et partent à la ville. Genjuro espère faire fortune comme potier. Tobeï compte bien devenir samouraï. Mais les deux hommes ont aussi laissé derrière eux leurs femmes, et c’est à un sombre destin que tous vont être livrés. Ainsi, Miyagi, l’épouse de Genjuro, sera tuée par les soldats. Son absence pèsera lourd lorsque, après des épreuves affrontées en solitaires, le potier et le samouraï rentreront dans leur village, pour se remettre humblement au travail.

Générique

Titre original : Ugetsu Monogatari
Réalisation : Kenji Mizoguchi
Scénario : Matsutarô Kawaguchi et Yoshikata Yoda, d’après deux contes de Akinari Ueda, La Maison dans les roseaux et La Lubricité du serpent , et un conte de Guy de Maupassant, Décoré !
Image : Kenichi Okamoto
Montage : Miyata Mitsuji
Son : Otani Iwao
Musique : Hayasaka Fumio, Saitô Ichirô
Musique traditionnelle : Mochizuki Tamekichi et son ensemble Biwa joué par Umehara
Conseiller pour les costumes et les mœurs de l’époque : Kainosho Kusune
Interprétation :
Miyagi / Kinuyo Tanaka
Genjuro / Masayuki Mori
Tobeï / Sakae Ozawa
Ohama / Mito Mitsuko
Wakasa / Machiko Kyo
Ukon, la gouvernante de Wakasa / Kikue Mori
Chef de village / Ryosuke Kagawa
Production : Daiei, Kyoto
Durée : 1h 37
Sortie à Paris : 18 mars 1959

Autour du film

Dans le Japon du seizième siècle, au beau milieu de la guerre, deux villageois ambitieux, Genjuro et Tobeï, décident de quitter leur famille pour accéder à un rang plus glorieux que celui de simples habitants de la campagne.
Genjuro est persuadé qu’il pourra faire fortune en tant qu' » artiste « , en vendant ses poteries en ville, tandis que Tobeï espère que la guerre fera de lui un samouraï redoutable et respecté. Mais la témérité inconsciente de l’un comme de l’autre va mener leurs familles au malheur et à la ruine. La femme de Genjuro meurt sous les coups de soldats affamés ; celle de Tobeï, violée, se prostitue. Aveuglés par leur ambition, détournés de la réalité par le leurre du pouvoir, les deux villageois ont fait l’expérience du désastre. Mais il fallait cette ambition folle pour que soient mis à jour les rapports infiniment subtils qu’entretiennent l’amour, le désir et l’argent.

Chez Mizoguchi, l’argent pervertit le désir en voulant absolument lui donner une valeur, et interdit ainsi toute possibilité d’amour vrai. Mais surtout, la perfection de l’œuvre tient à sa pudeur : le cinéaste, implacable, filme sans juger, toujours avec la bonne distance, ni trop près (ce serait courir le risque de l’obscénité ou de la complaisance), ni trop loin (ce serait courir celui du détachement ou du mépris), laissant au spectateur le soin de lier les causes aux effets, puis de conclure.
Emmanuel Burdeau

La construction des Contes de la lune vague après la pluie est, d’une part, circulaire (le départ et le retour au village) et double : les itinéraires de Tobeï et de Genjuro, étroitement confondus dans la première partie, se séparent, chacun suivant et développant son propre thème, nourri de leurs propres ambitions : rêve de gloire pour le potier, rêve de gloire aussi, mais toute militaire, pour son beau-frère. Les deux récits, après ce long éloignement, se rejoignent dans la troisième partie du film.
Le début des Contes de la lune vague après la pluie se situe sur le plan absolu de la réalité : c’est la guerre (qui joue ici son rôle de destin, sur lequel on ne peut avoir de prise), les pillages, le meurtre de Miyagi, qui nous sont montrés, le tout se déroulant dans un décor où les éléments naturels prédominent.
La ville, au centre de la seconde partie, dissocie l’unité du récit : c’est là que Genjuro rencontre Wakasa, que Tobeï achète son armure. Les deux hommes prennent en charge leur destin, se laissent emporter par leurs passions. Genjuro, suivant Wakasa chez elle, passe, dans un mouvement tout naturel, de l’autre côté du miroir, ne retrouvant la réalité que lors de sa rencontre avec le bonze qui dessine sur son dos les signes magiques destinés à le protéger du fantôme. Mais la troisième partie – retour à la réalité – se situe sur un plan qui ne rejoint pas exactement la première : le fantôme, l’autre, celui de Miyagi, qui l’accueille quand Genjuro revient au village, et qui l’enjoint de continuer sa modeste tâche, donne bien, en conclusion du film, la dimension de sagesse, de pardon, d’amour et de dignité, si présente dans les œuvres de Mizoguchi. Tristan Renaud, in »Dossiers du cinéma « , éditions Casterman, 1971.

Pistes de travail

Le  » one scene one cut « , c’est-à-dire le plan-séquence, a fait la renommée du style de Mizoguchi, même si ce procédé n’est pas chez lui aussi systématique qu’on le dit parfois.
Ses derniers films notamment sont plus découpés, une même scène pouvant compter deux ou trois plans. Par ailleurs, l’utilisation du plan-séquence ne répond pas chez lui à un souci exclusivement esthétique. Il permet une économie de plans, donc de temps et d’argent, ainsi que d’éviter, pour les films muets, en favorisant l’action plutôt que le dialogue, que l’image soit sans cesse interrompue par des cartons. Surtout, il révèle la conception que Mizoguchi se faisait du cinéma : le plan, avant d’avoir une valeur plastique, répond à une unité dramatique.
Pour des raisons d’efficacité et d’intensité, d’un bout à l’autre de la scène, l’action et le jeu des acteurs ne doivent pas être brisés dans leur continuité.

Mise à jour: 16-06-04

Expériences

Les Contes de la lune vague après la pluie, le plus célèbre des films de Kenji Mizoguchi, est celui qui lui permit d’accéder à la notoriété internationale en remportant le Lion d’argent au festival de Venise, en 1954. L’année suivante, un second Lion d’argent, attribué à L’Intendant Sansho, viendra définitivement consacrer le travail du cinéaste japonais. Dès lors, ses œuvres subjugueront nombre de critiques et de cinéastes européens. Les Contes de la lune vague après la pluie est l’exemple même de l’utilisation mizoguchienne de la fresque historique pour sonder, paradoxalement, les sentiments complexes qui tissent l’intimité de l’espace conjugal. En ce sens, il est à rapprocher d’autres films historiques de Mizoguchi, comme L’Impératrice Yang Kwei-Fei ou La Vie d’Oharu femme galante, tandis que, sur un autre versant de l’œuvre, des films comme Une femme dont on parle ou La Rue de la honte se consacrent à la vie du Japon contemporain.

Outils

Bibliographie

La gloire d'un cinéaste, Gérard Legrand, Positif n° 212, 1978.
Les Contes de la lune vague, Luc Moullet, Cahiers du cinéma n° 95, 1996.
Les Contes de la lune vague, Joël Magny, Cinéma 79 n° 249, 1971.
Les contes de la lune vague, René Gilson, Cinéma 59 n° 36, 1959.
Mizoguchi ou les valeurs virils bafouées, ou le refus de ce suicide quotidien qu'est la résignation, Jean-Paul LePape, L'Avant-scène cinéma n° 179, 1977.
Cahiers du cinéma, n° spécial Mizoguchi, 1982.
Kenji Mizoguchi, Vê-Hô, Ed. Universitaires, 1964.
Mizoguchi : de la révolte aux songes, Ed. du Cerf, 1983.
Souvenirs de Kenji Mozoguchi, Yoda Yoshikata, Cahiers du cinéma, 1997.
Mizoguchi Kenji, Ed. Seghers, 1971.
Mizoguchi, Keiko Mc Donald, Twayne, 1984.

Cahiers des Ailes du Désir n°6 - "Mizoguchi n'ignore pas le montage", par J.Gerstenkorn - "Les contes de la lune vague après la pluie", analyse de séquence par D.Pigeon - Approche de la civilisation nippone par C.Magistry - Deux ouvrages sur "Les contes de la lune vague après la pluie" par J.Gerstenkorn et D.serceau, J.P.Jacckson

Web

Ressources pédagogiques du CNDP www.cndp.fr/cav/lune