À bout de course

États-Unis (1988)

Genre : Comédie dramatique

Écriture cinématographique : Fiction

Archives LAAC, Lycéens et apprentis au cinéma 2011-2012

Synopsis

En 1971, Arthur et Annie Pope, pour protester contre la guerre au Vietnam, ont perpétré un attentat dans un laboratoire de napalm. Un gardien qui n’était pas supposé se trouver sur les lieux ce jour-là a été aveuglé et paralysé. Accompagnés de leurs deux fils, les Pope sont en fuite depuis quinze ans, changeant régulièrement de nom et de ville. Leur fils de 17 ans, Danny, est un pianiste talentueux repéré par son professeur de musique qui le pousse à intégrer la fameuse école de musique new-yorkaise, la Juilliard School. Il tombe amoureux de la fille de son professeur Lorna, et se rebelle contre ses parents qui l’ont emprisonné dans une vie de fuite perpétuelle.

Générique

Titre original : Running on empty
Réalisation : Sidney Lumet
Scénario : Naomi Foner
Image : Gerry Fisher
Musique : Tony Mottola
Son : James Sabat
Montage : Andrew Mondshein
Décors : Philip Rosenberg
Production : Lorimar Film Entertainment, Double Play
Producteurs : Amy Robinson, Griffin Dunne
Distribution : Splendor Films
Sortie en France : 26 octobre 1988
couleurs
Durée : 1h55

Interprétation
Christine Lahti / Annie Pope
River Phoenix / Danny Pope
Judd Hirsch / Arthur Pope
Jonas Abry / Harry Pope
Martha Plimpton / Lorna Phillips
Ed Crowley / Monsieur Phillips
L.M. Kit Carson / Gus Winant
Steven Hill / Monsieur Patterson
Augusta Dabney / Madame Patterson
David Margulies / le docteur Jonah Reiff
Lynne Thigpen / le contact à Eldridge Street
Marcia Jean Kurtz / l’employée de l’école
Sloane Shelton / Madame Phillips
Justine Johnston / la bibliothécaire
Herb Lovelle / l’employé de l’hôpital
Bobo Lewis / le professeur d’éducation ménagère
Ronnie Gilbert / Madame Taylor
Leila Danette / la domestique
Michael Boatman / Spaulding

Autour du film

Borné par deux fuites, le film ressemble à une parenthèse fragile qui menace en permanence de s’effondrer sous le poids de l’anxiété et de la logique de survie. Les scènes de quotidien (la sublime séquence de l’anniversaire où Lumet filme la connivence de toute la famille, et où ce quotidien prend parfois des allures documentaire), le sollicitations charnelles de l’été (les deux adolescents traversant un parc, le soleil caressant les branchages) et bien sûr l’éclosion générale des sens (les premiers émois amoureux, la découverte de ce pour quoi on est fait), Lumet prend bien le temps de les capter, de les inscrire à même la pellicule comme pour souligner ce qui est là, à portée de main, et dont les personnages ne peuvent jamais vraiment avoir la jouissance. De ce point de vue, A bout de course est le plus beau continuateur des Amants de la nuit de Nicholas Ray, autre sublime film de fuite et de quotidien impossible, à ceci près que le film de Lumet met momentanément de côté toute idée de suspense ou de thriller au profit d’un ralentissement, d’une stase où tout devrait être possible (ce qui chez Ray ne venait que par éclat).

Chaque image du film semble recouverte d’un voile crépusculaire, chaque plan habité par une sourdine qui empêche l’écoulement naturel des choses. Quand l’adolescent et sa mère jouent à quatre mains au piano une petite comptine qui les renvoie des années en arrière, la lumière orangée qui darde à travers les stores dit à elle seule que quelque chose se termine, que le présent même n’est désormais plus qu’une réminiscence, et que bientôt il faudra se séparer. En ce sens, le regard tendre de Lumet transcende en permanence un scénario finement écrit, mais qui dans d’autres mains aurait pu sembler un peu démonstratif. Le réel, le quotidien prennent toujours le pas sur la logique scénaristique, comme si le cinéaste avait puisé dans ses propres souvenirs d’enfance pour mettre en scène certaines séquences, comme celle du motel par exemple, au début du film, où là encore passe quelque chose de l’intimité d’une famille unie, sans que jamais on ait le sentiment d’une fabrication artificielle.

C’est quelque chose d’assez mystérieux au fond, cette capacité d’un cinéaste à viser aussi juste dans la description d’une connivence partagée entre des personnages, cela dans le cadre d’un film très écrit, scénarisé, qui ne cherche pas non plus à débusquer cette vérité avec volontarisme comme peuvent le faire nombre de films à velléités véristes. Sans doute que cette impression de réalité tient en grande partie aux acteurs, dont la complicité n’est probablement jamais feinte. La prestation la plus étrange, la plus lumineuse est à mettre à l’actif de River Phœnix. Il faut le voir roulant doucement sur le sable, sautillant puis se reprenant, avançant puis reculant, cherchant physiquement ses marques tellement son personnage est empêché d’agir naturellement : parfois aérien, d’autres fois immobile et insaisissable, fuyant dans un ballet incertain et improvisé pour échapper à toute identification avec la fille dont il est tombé amoureux. River Phœnix exprime les tourments de celui qui ne sait plus comment se comporter face à une vérité qui l’assaille (il est amoureux), avec une science inouïe de l’underplaying (encore que ce mot semble bien réducteur pour tenter de définir son jeu), son physique angélique ne trahissant que par bribes, échappées soudaines, la douleur de sa condition. Un immense acteur dans un film splendide.

Jean-Sébastien Chauvin / Chronicart 27 avril 2009

Doit-on payer le prix de ses engagements passés ? Que sont devenus, vingt ans plus tard, les activistes du « flower power » ? Le film de Lumet a l’audace, dans un cinéma américain frileux, de traiter un sujet politique. Le scénario est d’une intelligence et d’une délicatesse rares, confrontant l’obstination idéologique du père au désir de norme de son fils. Et le cinéaste ménage de magnifiques scènes d’émotion. Ajoutons que les comédiens sont formidables, notammant Christine Lahti et le regretté River Phoenix, qui fut nommé aux Oscars pour ce rôle.

Aurélien Ferenczi / Télérama 30 avril 2002

Vidéos

Cherchez l’intrus

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Le professeur de musique, M. Phillips, a proposé à Danny de s’exercer sur son propre piano. Danny se rend chez les Phillips. Bien que personne ne réponde à la porte, Danny entre et s’installe devant le Steinway. Il commence à jouer sans voir que la fille du professeur, Lorna, entre dans la pièce (séquence 15, 00:28:13).

Dans cette scène d’une grande simplicité apparente, on peut voir à quel point la mise en scène de Lumet est à la fois limpide et intelligente, toute au service de son sujet.


Cette vidéo peut être visionnée en complément du texte « Leçons de piano » en page 18 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Texte et réalisation : Stratis Vouyoucas, Centre Images.

Portrait de famille

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Après une fuite nocturne en voiture, les Pope s’arrêtent dans un motel au petit matin (séquence 5, 00:07:11). Dans cette séquence d’exposition, nous découvrons peu à peu la vérité sur cette famille qu’on croyait ordinaire. Le contexte extraordinaire dans lequel évoluent les Pope va exacerber les questions liées à l’adolescence et aux conflits de générations qui sont posés dès cette séquence. Lumet nous pousse aussi à nous interroger sur la validité des représentations médiatiques.


Cette vidéo a été conçue en complémentarité avec le texte « Portrait de famille » (d’Amélie Dubois) en page 12 du livret enseignant Lycéens et apprentis au cinéma.
Texte et réalisation : Stratis Vouyoucas, Centre Images.